La première Journée mondiale du cancer du pancréas, qui s’est déroulée le 13 novembre, a été l’occasion de revenir sur les besoins médicaux et les enjeux de diagnostic de ce cancer complexe, avec l’un des spécialistes français, le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue spécialisé en cancérologie digestive à l’hôpital Beaujon (Clichy).

Avec près de 12 000 nouveaux cas par an en France, le cancer du pancréas est loin derrière les cancers de la prostate ou du sein en incidence, et pourtant il est en passe de devenir le deuxième cancer le plus meurtrier à l’horizon de 2020. « Le cancer du pancréas reste l’un des cancers les plus graves et l’un de ceux qui possèdent une des plus grandes chimio-résistance. Une raison est qu’il implique, au niveau biologique, l’activation de plus de 10 voies de prolifération différentes ; d’autre part, il est diagnostiqué tardivement car lorsque les symptômes sont ressentis par le patient, il est souvent déjà à un stade avancé », présente le Pr Pascal Hammel, gastro-entérologue spécialisé en cancérologie digestive à l’hôpital Beaujon de Clichy. Cette complexité explique les nombreux échecs dans la mise au point des traitements. Car même si un médicament est efficace pour bloquer un mécanisme de prolifération de la tumeur, cela ne suffit pas à stopper son développement, les autres mécanismes étant toujours actifs. Entre 1997 et 2011, une seule molécule de chimiothérapie était ainsi disponible pour traiter les patients atteints de cancer du pancréas, avec une efficacité modeste, et presque tous les essais pour en augmenter l’efficacité en l’associant avec d’autres molécules ont été des échecs.

Cependant, depuis quatre ans, des progrès significatifs ont été réalisés. Tout d’abord, en 2011, une triple association de molécules mise en place par un essai français a démontré un premier effet positif sur la survie, pour des patients en bon état général et avec un bilan hépatique normal.

Enfin, plus récemment, une nouvelle molécule administrée en association avec la chimiothérapie de référence a été approuvée par les autorités de santé, augmentant elle aussi la survie des malades grâce à un mécanisme innovant reposant sur la nanotechnologie. Les progrès de l’imagerie ont permis également de mieux sélectionner les patients pour la chirurgie, de les préparer le cas échéant avec un traitement néo-adjuvant pouvant réduire la tumeur et augmenter les chances de succès de l’opération. Car la chirurgie – qui reste le traitement le plus efficace – n’est utile que pour une tumeur sans métastase, limitée au pancréas et n’ayant pas envahi les gros vaisseaux avoisinants. L’administration d’une chimiothérapie après la chirurgie (adjuvante) est maintenant quasiment systématique dans le but d’essayer de diminuer les récidives.

Organe du système digestif, le pancréas est enfoui profondément dans l’abdomen, ce qui ne facilite pas le diagnostic des affections qui le touchent. Le pancréas participe à la digestion des aliments et joue un rôle majeur dans la régulation du taux de glucose dans le sang. Ces fonctions importantes expliquent pourquoi le cancer du pancréas est souvent associé à des symptômes qui altèrent l’état du malade et peuvent empêcher certains traitements. « Douleurs intenses, jaunisse, amaigrissement, diabète… Les soins de support (1) sont dans cette maladie essentiels pour améliorer l’état du patient, et sa qualité de vie », rappelle Pascal Hammel. Là aussi, les progrès sont sensibles, avec de nouveaux anti-vomitifs, des antalgiques plus faciles à manier – sous de multiples formes galéniques – ou encore un soutien nutritionnel optimisé. « Toutes ces avancées : traitements, imagerie, soins de support… ont permis de faire progresser la survie des patients et d’améliorer leur qualité de vie, mais ils sont encore insuffisants pour espérer guérir ou faire en sorte que le cancer du pancréas devienne une maladie chronique. »

Anne Pezet