Ouvrir de nouvelles voies thérapeutiques

De nouveaux axes de développement thérapeutiques visent à corriger le déséquilibre du système  de coagulation. Le point avec le Pr Claude Négrier, hématologue à Lyon et coordinateur du réseau de centres experts MHEMO.

Quelle est l’originalité de ces nouvelles pistes thérapeutiques ?

Notre système de coagulation est un équilibre entre pro-coagulation et anti-coagulation. En cas d’hémophilie, le phénomène de pro-coagulation est défectueux. Pour compenser, un concept vise à inhiber une des molécules du système anti-coagulant. Deux cibles sont aujourd’hui au centre d’études, l’antithrombine et le TFPI, qui sont deux régulateurs du phénomène de coagulation. Deux principes actifs ciblent ces deux types de protéines. Des anticorps monoclonaux sont dirigés contre le TFPI afin d’inhiber sa fonction. De son côté, l’antithrombine est ciblée dans sa production via des ARN interférents. Ces molécules ciblent et pénètrent dans les cellules hépatiques, où elles inhibent à 80-90 % la production d’antithrombine.

Quel est le stade de développement de ces molécules ?

Ces deux types de traitement sont en cours d’essais cliniques de phase III.  Avant d’atteindre cette étape déjà avancée dans leur évaluation, ils ont prouvé qu’ils étaient en mesure de d’inverser la tendance hémorragique d’abord chez l’animal, puis chez l’homme. S’il est difficile de planifier clairement les dates d’approbation et d’accès au marché de ces médicaments, ces traitements sont attendus entre 2022 et 2023. Certains patients peuvent déjà y accéder dans le cadre des essais cliniques ayant lieu dans les centres investigateurs français.

Que pourraient apporter ces nouveaux traitements aux patients ?

Tous les deux sont administrés par voie sous-cutanée. La fréquence d’administration est variable, d’une fois par jour à une fois par semaine pour l’anticorps visant le TFPI. Quant à l’ARN interférent, la fréquence d’administration est d’une fois par mois. Ce qui changerait considérablement le quotidien des patients chez qui ce traitement serait indiqué.

Comment l’arrivée de ces traitements changera l’approche thérapeutique des patients souffrant d’hémophilie ?

Ce futur enrichissement des traitements de l’hémophilie va permettre à cette maladie de changer complètement de catégorie thérapeutique. Un des enjeux majeurs dans les années futures sera d’opérer des choix thérapeutiques en fonction des profils de chaque patient. En effet, tous les patients ne sont pas éligibles à l’ensemble des options médicamenteuses et aucune de ces options n’est en mesure de répondre à l’ensemble des besoins. 

Gézabelle Hauray

© MHEMO / DR

Article extrait du dossier Grand Angle réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde