L’épidémie de Covid-19 révèle la capacité des acteurs de l’innovation en santé à concevoir des modes de prise en charge inédits. Un écosystème qui reste encore à construire.

En trois mois, la lutte contre le Covid-19 aura mobilisé massi-vement la communauté de la recherche médicale. Plus de 3  000 études sont en cours, avec la réorientation de travaux sur des molécules potentiellement capables de réduire la charge virale du virus ou le lance- ment de nouveaux essais thérapeutiques. Entre février et avril, 329 essais ont ainsi fait l’objet de demandes d’autorisation et d’avis en France, avec un raccourcissement remarquable des délais de traitement des dossiers.

Côté vaccins, la course de vitesse est engagée : 115 essais étaient initiés mi-mai. Alors qu’il faut en moyenne de sept à dix ans pour mettre au point un vaccin, une ambition inédite est affichée : mettre sur le marché des solutions efficaces d’ici dix-huit à vingt-quatre mois. La pandémie a par ailleurs mis en exergue le formidable potentiel de l’e-santé. De nombreuses start-up du numérique ont en effet proposé des innov tions prometteuses dans le télésuivi des patients chroniques. En complément de la télémédecine, qui semble s’être définitivement installée dans les usages, ces outils pourraient, demain, révolutionner en profondeur la prise en charge des patients. Ces effets positifs liés à la pandémie ne sont cependant pas exempts de risques pour l’avenir. Pressés par les opinions publiques, certaines équipes ont publié trop vite et trop tôt, à partir de résultats préliminaires insuffisamment consolidés. La polémique sur l’hydroxychloroquine a brouillé les cartes, transformant la recherche médicale en objet de controverse politique. La compétition sur les vaccins devient un facteur de concurrence entre Etats, avec une question en toile de fond : qui obtiendra en priorité les premières doses ?

Enfin, l’irruption de la santé numérique doit être analysée avec du recul. Toutes les nouveautés n’ont pas vocation à s’intégrer dans les parcours de soins des patients. Il reste à mettre au point les critères d’évaluation de ces solutions avec, à la clé, peu de candidats élus.

La crise aura révélé la grande réactivité des acteurs de santé, capables d’improviser dans l’urgence de nouvelles pratiques. Elle aura également démontré la force du vivier des entreprises technologiques françaises. Enfin, cette crise aura illustré la nécessité d’assouplir le cadre réglementaire, alors qu’il reste un frein pour l’accès au marché de nombreuses solutions potentiellement utiles. C’est, pour les autorités sanitaires, la quadrature du cercle : évaluer plus vite, accélérer les régimes d’autorisation, sans sacrifier à la nécessaire rigueur des procédures.

Pierre Mongis

Article extrait du dossier Grand Angle réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde