Des patients qui s’impliquent dans la recherche

De nouveaux modèles de collaboration sociétale entre académiques et associations de patients se mettent en place dans la recherche sur les maladies rares. Le Pr Didier Lacombe, chef de service de génétique médicale du CHU de Bordeaux et Directeur de l’U INSERM 1211 à l’université de Bordeaux, en présente les enjeux.

« De plus en plus de projets ambitieux rapprochent les équipes académiques des associations de patients pour accroître les connaissances scientifiques et médicales sur les maladies rares. Je travaille sur les anomalies du développement de l’embryon d’origine génétique depuis près de 25 ans et mon service est centre de référence maladies rares dans ce domaine depuis le premier appel d’offres du Ministère en 2004.Nous avons récemment développé des partenariats originaux en France avec des associations de malades dans deux pathologies rares.Le premier avec l’Association Française du syndrome de Costello et CFC a abouti au financement par l’association de la création d’un modèle murin de la maladie à l’Institut Clinique de la Souris, à Strasbourg. Ce modèle murin a été au cœur d’un projet de recherche du laboratoire avec un financement important de 800 000 eurospar le Ministère de la Recherche (ANR), afin de développer et tester de nouvelles approches thérapeutiques.

Le second partenariat a concerné une autre anomalie du développement, le syndrome de Rubinstein-Taybi, afin de tester un médicament – un inhibiteur d’histone déacétylase – dans un essai thérapeutique chez les patients dans le but d’améliorer la mémoire à long terme. Dans ce cas, nous avons créé une Fondation hébergée par la Fondation de France avec une famille de l’association. Nous avons pu lever une somme globale de plus de 800 000 euros et mettre en place cet essai clinique au CHU de Bordeaux. Il s’agit du premier essai thérapeutique mondial sur cette maladie afin de tester cette hypothèse, initialement proposée par le prix Nobel sur la mémoire, Eric Kandel. Cette nouvelle approche s’inscrit dans les premiers essais internationaux dans le cadre de la déficience intellectuelle, comme dans le syndrome de l’X fragile ou la trisomie 21 auxquels mon équipe participe également.

La compréhension physiopathologique de ces maladies grâce aux recherches menées dans les maladies rares permet également des avancées dans les pathologies plus communes. A titre d’exemple, l’étude du syndrome de Gorlin, maladie très rare, a donné les clés pour comprendre l’apparition d’un cancer de la peau fréquent chez l’homme, le carcinome basocellulaire. D’où l’importance de mener ces recherches et d’innover dans les modèles de collaboration sociétale. »

Propos recueillis par Anne Pezet