Réveiller le système immunitaire du patient

Grâce aux avancées scientifiques sur le fonctionnement et les dysfonctionnements du système immunitaire, de nouveaux médicaments réactivant sa capacité à lutter contre les cellules cancéreuses sont désormais disponibles. Une étape majeure pour les cancers du poumon et du rein métastatiques.

Après avoir fait la une des grands congrès internationaux en cancérologie pour ses résultats impressionnants dans le mélanome, l’immunothérapie transforme aujourd’hui les pratiques médicales dans le cancer du poumon et le cancer du rein. « Inimaginable il y a encore deux ou trois ans, avec l’approche d’immunothérapie, aujourd’hui certains patients atteints de cancer du poumon métastatique entrent en rémission prolongée », confirme le Dr Maurice Pérol, onco-pneumologue médical au centre Léon-Bérard, à Lyon. Même chose dans le cancer du rein avancé, où les résultats très encourageants d’une étude clinique sont dévoilés au congrès européen Esmo, à Vienne, d’une immunothérapie dans le cancer du rein, de façon concomitante avec la publication de cette étude dans le prestigieux journal médical New England Journal of Medicine. Cette étude a comparé l’effet d’un des médicaments d’immunothérapie, le nivolumab, déjà approuvé dans le mélanome et le cancer du poumon, dans le cancer du rein métastatique, par rapport au traitement de référence. « Les résultats montrent un prolongement significatif sur la survie globale des patients de plus de cinq mois, patients qui étaient en situation d’échec thérapeutique. Et quelques patients sont aujourd’hui en rémission complète », détaille le Dr Bernard Escudier, cancérologue et spécialiste du cancer du rein et de l’immunothérapie à Gustave-Roussy, à Paris, coordinateur de cette étude.

Ces traitements d’immunothérapie ouvrent ainsi un nouveau champ de possibilités dans ces deux cancers, où les besoins médicaux restent importants. Chaque année, le cancer du poumon touche 40 000 personnes en France, et entraîne 30 000 décès. Il est diagnostiqué souvent tardivement, quand plus de la moitié des patients sont déjà au stade métastatique. « En 1990, le cancer du poumon était responsable de 2 500 décès chez les femmes, aujourd’hui, ce nombre est passé à 12 000. Cette explosion du nombre de cancers du poumon chez les femmes est très préoccupante », souligne le Dr Maurice Pérol. Le cancer du rein, quant à lui, touche 10 000 patients par an, parmi lesquels entre 3 500 et 4 000 développeront des formes métastatiques.

Une nouvelle étape dans le traitement des cancers

Beaucoup de progrès avaient déjà été réalisés au niveau des traitements depuis quinze ans, notamment avec l’arrivée des médicaments anti-angiogéniques, qui bloquent la formation de vaisseaux sanguins dont a besoin la tumeur (et ses métastases) pour se développer. Sept molécules de ce type sont commercialisées dans le cancer du rein, ce qui a permis de doubler la survie des patients. Le début des années 2000 a été marqué également par l’arrivée des traitements dits « ciblés ». « La forme la plus fréquente du cancer du poumon – non à petites cellules – concerne 85 % des cas. Parmi ces patients, de 10 à 15 % ont une tumeur dépendant d’une altération génétique et reçoivent un traitement qui cible cette altération », indique Maurice Pérol. Pour les autres, désormais, l’immunothérapie pourra être prescrite. Mais elle ne sera efficace que pour 15 à 20 % des 20 000 à 25 000 patients par an diagnostiqués chaque année avec un cancer du poumon au stade métastatique, sans avoir de moyen clair aujourd’hui de les sélectionner. Même chose dans le cancer avancé du rein, où il manque aussi des marqueurs prédictifs de la réponse au traitement. « L’immunothérapie montre un effet positif pour plus de la moitié des patients. Plusieurs cibles du système immunitaire sont désormais bien connues. Nous allons faire encore mieux dans les années qui viennent. C’est une vraie nouvelle étape dans le traitement des cancers », conclut Bernard Escudier.

Anne Pezet