« EMMENER LA FRANCE ENCORE PLUS LOIN »

Mobilisée sur la thématique de l’innovation en santé, Marisol Touraine entend faciliter le parcours des entrepreneurs. Mais elle appelle également à la modération sur les revendications de prix, dans un contexte de forte tension pour la dépense publique.

Vous avez inauguré le 23 janvier dernier la 1ère Journée de l’innovation en santé. A quelles conditions selon vous la France peut-elle (re-)devenir une terre d’élection de l’innovation en santé ?

La France est une terre d’innovation ! C’est que m’a dit Astro TELLER, le dirigeant de Google X, quand je l’ai rencontré ici même, à Paris, il y a quelques semaines. Pourquoi ? Tout simplement parce que les choses bougent en France. Ce n’est pas un hasard si Alexion Pharmaceuticals, un laboratoire américain spécialisé dans la production d’anticorps, a choisi l’Institut hospitalo-universitaire (IHU) Imagine, en France, pour installer son premier centre de R&D en dehors des Etats-Unis ! Aujourd’hui, il y a plus de startups en santé qui se lancent à Paris qu’à Londres…
Mon ambition est d’emmener la France encore plus loin, parce que c’est une source d’espoir pour de nombreux malades et c’est aussi une source d’optimisme pour notre économie. 6 milliards d’euros du budget de l’Assurance maladie sont consacrés cette année au soutien de l’innovation en santé. Et j’ai créé avec le Commissaire général à l’investissement Louis Schweitzer, le « FABS », un fonds doté de 340 millions d’euros qui permet à des jeunes pousses françaises de porter leurs innovations au chevet des patients.
Pour que les Français prennent conscience de cette dynamique, j’ai lancé la Journée nationale de l’innovation en santé, les 23 et 24 janvier dernier, à la Cité des Sciences et de l’Industrie. Avec plus de 4 000 visiteurs, dont beaucoup de familles, c’est un franc succès. Nous renouvellerons l’expérience l’an prochain : il faut que cette Journée devienne un repère pour nos concitoyens.

Les industriels de la santé demandent plus de visibilité et de prévisibilité sur le marché français. Quels sont vos projets pour répondre à leurs attentes ?

J’entends les besoins des industriels. C’est pourquoi j’ai créé, au sein de mon ministère, une délégation à l’innovation, pour rendre plus simple et plus lisible les politiques d’innovation que nous menons, en particulier pour les entreprises.
Il faut aussi faciliter les démarches à effectuer pour innover. J’ai réduit de moitié les délais d’autorisation pour les essais cliniques industriels. J’ai permis aux laboratoires de mettre plus rapidement leurs médicaments sur le marché. Et j’ai rénové le forfait innovation, qui autorise la prise en charge précoce et à 100% de dispositifs médicaux particulièrement innovants : non seulement les produits sont très rapidement accessibles, mais ils ne coûtent rien aux patients, et les industriels bénéficient d’un retour immédiat sur investissement.
Mais j’attends aussi des industriels qu’ils s’engagent. Certains médicaments suscitent des inquiétudes sur la charge importante qu’ils font peser, du fait de leur prix, sur nos finances publiques. Pour garantir l’accès à ces traitements de pointe aux patients qui en ont besoin, une régulation est nécessaire. Le Président de la République portera personnellement ce débat au G7. Les industriels y seront bien entendu associés.

Quelles mesures envisagez-vous pour que les technologies digitales et numériques s’intègrent rapidement au cœur des pratiques médicales ?

Dans le cadre du plan « Médecine du futur », nous identifions les défis médicaux de demain et les solutions pour les relever. Nous soutenons les acteurs qui développent ces nouvelles technologies et nous nous assurons qu’elles s’insèrent dans le tissu médical, et en particulier nos Centres hospitalo-universitaires (CHU). Les technologies numériques sont déjà omniprésentes à l’hôpital : dans les blocs opératoires, les services d’imagerie, etc. Nous développons la télémédecine dans les territoires. Et l’Assurance maladie prépare une nouvelle version du dossier médical partagé, qui permet à votre médecin de ville d’avoir toutes les informations nécessaires à votre suivi médical. Je présenterai dans les prochains jours la stratégie nationale e-santé 2020, une nouvelle étape de notre engagement.

Propos recueillis par Pierre Mongis