« LA MÉDICO-ÉCONOMIE, NOUVELLE CLÉ DE L’EFFICIENCE »

La médico-économie s’impose comme un nouveau modèle d’évaluation des produits de santé. Quel en est le concept ?

C’est une approche récente en France, qui vise à rapprocher deux notions. La première porte sur la valeur médicale d’un produit ou d’un service de santé, c’est-à-dire sa capacité à apporter un bénéfice en santé à ses utilisateurs. La seconde consiste à apprécier les coûts économiques engendrés par le recours à ces prestations. En comparant ces deux notions, les études médico-économiques permettent d’éclairer la décision en matière de politique de santé. On peut par exemple évaluer le rapport coût/efficacité d’un programme de dépistage ou d’une stratégie de vaccination ciblés sur certaines catégories de population. On peut également évaluer le prix d’un nouveau médicament en fonction des bénéfices supplémentaires supposés par rapport aux traitements existants, mais également en prenant en compte des coûts évités grâce à une prise en charge plus efficace des patients.

Avec la contraction des budgets consacrés à la santé, s’agit-il d’un outil précieux pour les pouvoirs publics ?

En effet, plus que jamais les pouvoirs publics vont devoir opérer des arbitrages dans l’allocation des ressources. Car l’absence de croissance économique pèse lourdement sur les finances de l’assurance maladie. Traditionnellement, la France est admise comme une « terre d’accueil » pour les innovations en santé. Il est écrit dans les textes fondateurs de la Sécurité sociale qu’en cas de bénéfice/risque favorable, la puissance publique est tenue de mettre ces innovations à la disposition des malades qui en ont besoin. Pour autant, il est essentiel d’évaluer le rapport coût/efficacité d’un nouveau traitement afin de bien mesurer sa valeur relative. Et les études médico-économiques permettent aux autorités de disposer d’informations plus fines au moment de négocier les prix avec les industriels.

En Grande-Bretagne, au-delà d’une certaine somme, un traitement trop coûteux peut être refusé. Cela peut-il arriver en France ?

Non, la France se tient pour le moment à l’écart de ce type d’approche. Je dis « pour le moment » car il est difficile de prévoir quels seront les contours de l’évaluation d’ici cinq à dix ans, avec l’avènement de la médecine personnalisée, des biotechnologies ou encore de la génomique et de la médecine prédictive. En revanche, le financement de l’innovation, tel que nous le concevons actuellement, passe nécessairement par des arbitrages : pour financer des traitements très innovants et très coûteux, il faut réaliser des économies sur d’autres catégories de dépenses.

Les nouveaux traitements de l’hépatite C, présentés comme très innovants et très coûteux, sont-ils un cas d’école pour la médico-économie ?

C’est certain, car ces traitements promettent une guérison de l’hépatite C dans plus de 90 % des cas, et donc l’éradication potentielle de cette pathologie transmissible. C’est un enjeu majeur de santé publique. Et les études médico-économiques seront essentielles pour évaluer les investissements qui s’avéreront nécessaires.

Gérard de Pouvourville, Économiste, Chaire Essec Santé. (Entretien avec Pierre Mongis)