Paradoxes par Claude Le Pen, économiste de la santé

lepen2Le système de santé français est marqué par la conjonction de trois paradoxes. Critiqué par nos concitoyens, souvent présenté par les experts comme inefficace, dépensier, désorganisé, opaque et contrôlé par une multitude de lobbies, il est pourtant salué à l’étranger.

Alors que nos systèmes éducatif et judiciaire sont sévèrement notés dans les divers classements internationaux, notre système de santé est épargné. Depuis le fameux classement OMS de 2000, qui le plaçait en tête, d’autres évaluations ont confirmé un bon niveau de performance sur le plan sanitaire, le caractère universel et solidaire des soins délivrés et une bonne maîtrise de la dépense collective. Paradoxe dans le paradoxe
les Français expriment souvent la crainte d’une dégradation en termes de qualité et d’équité d’accès aux soins, alors que le système n’a sans doute jamais été aussi universel, généreux et efficient depuis 1945.
Deuxième contradiction, les débats et polémiques incessants, notamment focalisés sur le médicament, illustrent la politisation des questions de santé. Étrangement, cette idéologisation menée par divers groupes d’opinion ne se traduit pas sur le terrain proprement politique. De droite ou de gauche, les élus se déchirent sur les principes, mais ils gouvernent finalement au centre, selon un consensus tacite : pour vivre tranquilles, ne touchons pas aux fondamentaux du système.
Troisième paradoxe, l’état du système de santé est le plus souvent jugé à l’aune du déficit chronique de l’assurance maladie. Une vision tronquée et artificielle, alors que la régulation de la dépense est sans conteste une réussite et que le déficit est d’abord la conséquence d’un sous-financement délibéré. Ce choix pèse sur l’image du secteur, alors que la santé est d’abord une chance réelle pour l’économie française, en termes de création de valeur ajoutée, de contribution à la croissance et de facteur d’attractivité pour le pays.

Tribune par Claude Le Pen, économiste de la santé