DG France d’Alnylam Pharmaceuticals, Jean-Baptiste Caquelin témoigne de l’intérêt de l’ARN interférent, découverte « nobélisée » en 2006 et développée notamment dans le champ des maladies cardiovasculaires.
Vous dirigez la filiale France d’Alnylam Pharmaceuticals. Pourriez-vous nous présenter l’entreprise ?
Créée en 2002, c’est une société de biotechnologie américaine, qui compte plus de 2 000 salariés dans le monde et se positionne sur le développement d’une technologie de santé particulièrement prometteuse : l’ARN interférent (ARNi). Couronnée par un prix Nobel de médecine en 2006, cette découverte offre des perspectives médicales quasi illimitées. l’ARN interférent va agir à la source de la maladie, en amont des médicaments conventionnels, et va bloquer ou limiter la production de la protéine responsable de la pathologie. Cette nouvelle classe thérapeutique peut empêcher la survenue ou la progression des symptômes d’une maladie. L’enjeu, pour Alnylam, est de mettre au point des solutions thérapeutiques efficaces, utilisant l’ARN pour inhiber l’expression de gènes susceptibles d’altérer l’état de santé des patients. Après vingt ans de R & D, nous avons beaucoup progressé, avec aujourd’hui cinq médicaments qui sont autorisés en France, dont un en cours d’évaluation pour une extension d’indication.
L’ARN interférent va agir à la source de la maladie, en amont des médicaments conventionnels, et va bloquer ou limiter la production de la protéine responsable de la pathologie.
Quelles sont les applications de vos traitements dans le champ des maladies cardiovasculaires ?
Historiquement, nous avons d’abord orienté nos travaux dans le domaine des maladies rares, et en particulier dans la lutte contre une forme d’amylose. Il s’agit d’un vaste groupe de maladies, caractérisées par la présence de dépôts de protéines insolubles dans les tissus. Le traitement que nous avons mis au point offre de bons résultats contre l’amylose héréditaire. Nous avons d’ailleurs présenté à la dernière édition de l’ESC en août 2024 des résultats significatifs qui confirment le potentiel de cette approche thérapeutique dans le domaine de l’amylose cardiaque. Ces maladies ont des effets délétères sur le plan cardio-vasculaire, notamment en accroissant le risque d’insuffisance cardiaque. Par ailleurs, nous explorons le potentiel de ces thérapies dans d’autres pathologies cardio-vasculaires à fort impact pour le système de santé, comme l’hypertension artérielle.
En quoi vos médicaments peuvent-ils faire progresser la lutte contre ces pathologies cardiovasculaires ?
Le développement de ces traitements est mené depuis deux décennies en étroite collaboration avec les meilleurs spécialistes des maladies cardiovasculaires, mais également aux côtés des associations de patients. Grâce à la qualité de ses experts et de ses centres de référence dans le domaine des maladies rares, la France est un pays clé pour nos travaux de recherche clinique. Outre le bénéfice qu’ils apportent aux patients en termes d’efficacité et de tolérance, nos médicaments sont particulièrement intéressants sur le plan de l’observance. Ils sont en effet administrés majoritairement sous forme d’injections sous-cutanées tous les trois à six mois seulement. Et nous travaillons actuellement à la mise au point d’une formulation permettant de passer à une injection par an. Cette simplicité d’utilisation apporte un bénéfice important pour la qualité de vie des patients
Vous évoquez le potentiel important de cette technologie. Quels sont les prochains défis que vous souhaitez relever ?
Je l’ai dit, l’ARN interférent ouvre un champ très large d’applications possibles. Nos recherches s’orientent ainsi sur les maladies du système nerveux central, mais également sur des pathologies où il y a encore beaucoup à faire, comme la maladie d’Alzheimer. Et nous étudions également son intérêt dans la lutte contre le diabète ou encore certains cancers. Alnylam, qui souhaite rester indépendante, multiplie cependant les partenariats avec d’autres entreprises pour la conception et le développement de nouveaux médicaments. C’est le cas depuis quelques mois du laboratoire Roche, avec lequel nous avons signé un accord, mais également celui d’autres sociétés comme le laboratoire Regeneron, spécialisé dans la fabrication d’anticorps monoclonaux. L’objectif est notamment de tester la combinaison entre ces anticorps et l’ARN interférent pour aller traiter la cellule cible et protéger ainsi le reste de l’organisme.
Antoine Combier
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cardiologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 30 septembre 2024.
Photo : © Dimitri Klosowski-Alnylam / DR