CMHo : une évolution dans la prise en charge de certaines cardiomyopathies

La recherche donne un coup d’accélérateur au traitement d’une maladie cardiaque génétique longtemps mal connue et parfois mortelle : la cardiomyopathie hypertrophique obstructive, ou CMHo. Le point avec le Pr Albert Hagège, Chef du Département Cardiologie de l’Hôpital européen Georges Pompidou, à Paris.

Qu’est-ce que la cardiomyopathie hypertrophique obstructive (CMHo) ? Est-ce une maladie fréquente ?

C’est une maladie cardiaque d’origine génétique qui se traduit par l’épaississement de la paroi du ventricule gauche. Dans sa forme obstructive, la plus fréquente (70 % des cas), cette hypertrophie fait saillie dans la cavité et va gêner l’éjection du sang vers l’aorte, source d’un souffle cardiaque audible à l’auscultation.

Elle touche au moins 1 adulte sur 500 et a longtemps été considérée comme rare, car encore peu connue et peu diagnostiquée jusqu’à il y a une dizaine d’années environ. C’est donc une maladie qui n’est pas si rare et à laquelle aujourd’hui tout cardiologue est confronté de manière régulière. Le diagnostic peut être difficile en l’absence de symptômes ou de souffle auscultatoire, alors que l’électrocardiogramme, l’échographie cardiaque puis, dans un second temps, l’IRM cardiaque montrent en général des anomalies très évocatrices. Le diagnostic de la cardiomyopathie hypertrophique obstructive peut être fait à tout âge.

Il est important de proposer un dépistage génétique chez le sujet index chez lequel on fait le diagnostic, et s’il revient positif (50 % des cas), de le proposer aussi chez ses apparentés du premier degré (qui ont alors 50 % de risques de porter la mutation). L’expression de la maladie est très variable. De nombreux patients sont totalement asymptomatiques, y compris à l’effort, mais la plupart sont essoufflés à l’effort. La maladie peut aussi occasionner des douleurs thoraciques, des palpitations, des malaises voire des syncopes à l’effort. La principale crainte est la survenue d’une mort subite, notamment chez les sujets jeunes. Cet événement, dû à un trouble du rythme ventriculaire grave, est relativement rare (1 à 2 % par an), mais représente la cause la plus fréquente de mort subite du sujet jeune. Une des préoccupations majeures des médecins est donc d’identifier ces patients à haut risque, en se fondant notamment sur la clinique, les données échographiques, l’IRM cardiaque et le Holter ECG.

Quelles sont les solutions thérapeutiques utilisées jusqu’à maintenant pour traiter la cardiomyopathie hypertrophique obstructive ?

On dispose de longue date de médicaments pour diminuer mécaniquement l’épaisseur de la paroi ventriculaire lors de la contraction cardiaque, permettant de lever l’obstruction. En général, en cas de persistance de symptômes invalidants, des médicaments du type bêtabloquants ou inhibiteurs calciques sont proposés pour diminuer la contractilité du muscle cardiaque, mais ces derniers se révèlent parfois insuffisamment efficaces. Plus rarement, on fait appel à des solutions plus invasives (et plus risquées) que sont l’alcoolisation septale (injection d’alcool dans la coronaire) ou la chirurgie (myomectomie).

Il subsiste donc un besoin médical non couvert pour une prise en charge optimale de cette maladie. Y a-t-il de nouvelles pistes prometteuses pour y remédier ?

En effet, on recherche des solutions plus efficaces mais qui s’adresseraient aux conséquences des mutations des gènes sarcomériques, c’est-à-dire aux anomalies de fonctionnement des protéines contractiles cardiaques. Ce sont ces anomalies qui génèrent l’hypertrophie et l’hypercontractilité responsables de l’obstruction et donc de l’essoufflement d’effort. Sur cette base, les recherches ont particulièrement avancé sur des molécules permettant d’agir sur l’unité contractile cardiaque, et plus spécifiquement en inhibant la myosine cardiaque, permettant ainsi de rééquilibrer contraction et relaxation cardiaques. Cette nouvelle classe de médicaments a montré une efficacité très intéressante chez ces patients, qui sont ainsi moins gênés dans leurs activités quotidiennes, avec une amélioration de la tolérance à l’effort et de la qualité de vie.

Tous les malades atteints de cardiomyopathie hypertrophique sont-ils candidats à cette nouvelle classe de médicaments ?

Les inhibiteurs sélectifs de la myosine cardiaque représentent un réel espoir pour les patients souffrant de cardiomyopathie hypertrophique obstructive. Il est important, en premier lieu, de bien identifier ces patients, c’est-à-dire d’éliminer les hypertrophies du cœur liées à d’autres maladies pour lesquelles les anomalies moléculaires sont bien différentes (hypertension artérielle, sténose aortique, amyloses…). Il est recommandé de confirmer le caractère génétique de la pathologie et de rechercher avec attention une obstruction chez les patients symptomatiques, recherche parfois difficile en cardiologie de ville.

Il ne faudra pas hésiter à adresser à un service hospitalier spécialisé les patients restant symptomatiques sous traitements classiques et ne présentant pas d’obstruction sur l’échocardiographie de base. L’objectif sera alors de démasquer une obstruction provoquée (lors d’une échocardiographie d’effort par exemple), pour prendre en charge le patient de manière optimale.

Sandrine Guinot-Mosetti


CV-FR-2400254-NP-Septembre 2024.

Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cardiologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 30 septembre 2024.

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