Les Professeurs David Montani, PU-PH en pneumologie à l’Hôpital Bicêtre, et Laurent Bertoletti, PU-PH de Thérapeutique au CHU de Saint-Etienne, évoquent les défis à relever pour une meilleure prise en charge de cette maladie pulmonaire rare.
Pouvez-vous nous définir ce qu’est l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP) ?
Pr David Montani. C’est une maladie rare, grave et évolutive, et qui se caractérise par une obstruction progressive des petits vaisseaux sanguins pulmonaires. Dans ces vaisseaux, la pression artérielle est normalement basse. La prolifération des cellules constituant la paroi des vaisseaux va entraîner leur obstruction progressive qui va se traduire par une élévation importante de la pression dans les artères du poumon. Progressivement, le cœur (sa partie droite) qui envoie le sang dans les poumons pour l’oxygéner va s’épuiser. La conséquence, c’est un risque d’insuffisance cardiaque et de décès prématuré si la maladie n’est pas prise en charge à temps. Le dépistage de l’HTAP repose sur l’échographie cardiaque et la confirmation diagnostique est faite par cathétérisme cardiaque droit, un examen réalisé dans des centres experts, permettant la mesure directe des pressions dans les artères pulmonaires.
Pr Laurent Bertoletti. La prévalence – de l’ordre de 15 à 50 cas par million de personnes – reste faible. Les causes de l’HTAP sont multiples, entre des formes idiopathiques (causes inconnues), des formes génétiques héréditaires, ou associées à d’autres maladies comme la sclérodermie, la cirrhose du foie, l’infection par le VIH ou de certaines malformations cardiaques congénitales. La difficulté est de diagnostiquer le plus précocement possible la maladie : l’essoufflement, premier symptôme exprimé par les malades, est très peu spécifique et n’oriente pas facilement la démarche diagnostique et clinique du médecin.
Quels sont, aujourd’hui, les principaux défis posés pour améliorer sa prise en charge ?
D. M. Nous avons la chance pour cette maladie rare de disposer d’un réseau national « Pulmotension » très structuré, avec un centre national de référence et 29 centres d’expertise, répartis partout sur le territoire, en métropole et dans les DROM. Cette organisation ancienne, soutenue et appuyée par les plans nationaux maladies rares (PNMR) successifs, permet une prise en charge optimale par des équipes expertes partout en France. En revanche, la réduction du délai de diagnostic reste un enjeu majeur, comme pour l’ensemble des maladies rares.
L. B. La structuration de la filière a beaucoup contribué à l’amélioration du diagnostic. Dans les années 2000, il fallait compter plus de deux ans entre les premiers symptômes et le diagnostic, réalisé à l’aide d’un cathétérisme cardiaque droit, un examen lourd et invasif. L’espérance de vie moyenne, à partir de ce diagnostic, ne dépassait pas quant à elle deux ans et demi. Même si cette maladie a pu bénéficier de grandes avancées, elle reste grave et nous devons aller plus loin et essayer de la diagnostiquer plus tôt, en sensibilisant l’ensemble des soignants aux symptômes de l’HTAP : essoufflement ou malaises.
En matière de traitements, quels sont les espoirs pour les patients ?
D. M. Depuis trente ans, il faut saluer l’arrivée régulière de nouvelles solutions médicamenteuses, qui ont amélioré très significativement le pronostic. C’est une chance par rapport à d’autres maladies orphelines. Les traitements actuels ciblent le dysfonctionnement des cellules des parois des artères du poumon et se répartissent au sein de trois grandes classes thérapeutiques, avec pour principal effet de dilater les vaisseaux sanguins pulmonaires. Ces médicaments sont un véritable atout pour améliorer la survie : aujourd’hui, 70 % des patients sont encore en vie après cinq ans.
L. B. Nous sommes également dans l’attente de nouveaux types de médicaments, qui devraient encore contribuer à changer le pronostic de l’HTAP, tout en améliorant la qualité de vie pour les patients. Grâce à l’expertise reconnue de la filière, les centres experts du réseau participent à des essais cliniques. Outre l’accès précoce à l’innovation pour nos patients, ces essais aident nos équipes à acquérir de l’expérience pour le bon usage de ces futurs traitements.
Au-delà des traitements, comment optimiser le parcours de soins ?
D. M. Il faut mettre en place un parcours coordonné plus efficient et adapté aux spécificités d’une maladie respiratoire rare. Il est essentiel de sensibiliser les acteurs de proximité et de s’appuyer encore davantage sur les expertises en médecine de ville, en pneumologie et en cardiologie, pour améliorer le dépistage et optimiser l’articulation entre la prise en charge hospitalière et les acteurs de santé du quotidien des patients. Les acteurs de santé, par exemple les infirmiers de pratique avancée (IPA), les infirmiers coordinateurs et les psychologues, sont à des postes clés au sein des centres experts.
L. B. PulmoTension, le réseau spécialisé dans l’HTAP au sein de la filière Maladies rares RespiFil, et HTaPFrance, association de patients représentant les personnes touchées, viennent d’achever ensemble l’élaboration d’un plaidoyer pédagogique sur la maladie, avec des propositions concrètes. La simplification de l’accès à l’innovation thérapeutique, via la disponibilité des traitements en pharmacie de ville, fait par exemple partie des demandes des patients. Le développement de l’activité physique adaptée (APA), qui a montré ses bénéfices à la condition d’être ajustée au cas particulier de chaque patient, et préconisée après une évaluation spécialisée, est également un enjeu important.
Antoine Combier
En partenariat avec MSD -FR-CMM-00735 – Septembre 2024
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cardiologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 30 septembre 2024.
Photo : © MSD / DR