Directrice médicale d’Astellas Pharma France, le Dr Irène de La Porte souligne la nécessité de promouvoir le geste solidaire du don d’organes.
Astellas est l’un des acteurs majeurs dans le domaine de la transplantation. Quelles solutions offrez-vous aux patients greffés ?
Issu en 2005 de la fusion de deux laboratoires pharmaceutiques japonais, Astellas Pharma est en effet l’un des groupes pharmaceutiques les plus investis dans ce domaine thérapeutique. Depuis plus de vingt-cinq ans, sa vocation est de donner la priorité aux patients, en s’attachant à mettre à leur disposition des innovations thérapeutiques susceptibles de transformer leur vie. Dans le domaine de la transplantation, nous proposons ainsi des médicaments dits « immunosuppresseurs », qui permettent aux patients greffés de prévenir le risque du rejet d’organes. Et nous nous impliquons dans l’ensemble du parcours de soins des patients receveurs d’organes, en cohésion étroite avec les équipes soignantes et les associations de patients, afin que leur vie et leur qualité de vie puissent être améliorées. Preuve de notre engagement, nous n’avons jamais connu de pénuries de nos produits commercialisés, y compris durant la pandémie de Covid-19.
En dépit de timides progrès, le bilan chiffré des dons d’organes reste préoccupant. Comment agir pour améliorer la situation ?
Selon l’Agence de la Biomédecine*, 5 634 greffes ont pu être réalisées en 2023. Mais la liste nationale d’attente comprend 21 866 personnes, dont près de la moitié sont immédiatement éligibles à la transplantation. Même si le nombre de donneurs a progressé de plus de 4,9 % entre 2022 et 2023, le nombre de dons reste nettement insuffisant pour répondre à la demande. Et la conséquence de cette pénurie de greffons est dramatique : on estime que deux ou trois personnes meurent chaque jour à défaut de pouvoir recevoir une greffe d’organes. Il faut agir avec force auprès du public pour résoudre un paradoxe difficile : si 80 % des Français se disent favorables au don de leurs organes en cas de mort cérébrale, 36 % des proches s’y opposent au moment du décès. Ce taux de refus semble majoritairement s’expliquer par leur méconnaissance, dans cet instant douloureux, quant au choix du parent ou du proche décédé. La communication doit donc inciter le public à en parler, en famille, avec ses proches, ses amis, dans la vie courante, afin que l’expression du choix puisse se faire en dehors du contexte difficile de la maladie ou de la fin de vie : nous sommes tous présumés donneurs, sans condition, sauf si on est contre. Il est important aussi de sensibiliser les jeunes, afin de pouvoir transmettre cette bonne pratique de compréhension des enjeux et de la réalité du don d’organes, pour construire le futur.
En priorité, c’est sur la promotion du don d’organes que nous devons tous nous mobiliser. Car, sans greffons, il n’y a pas de transplantation.
Comment vous mobilisez-vous pour participer à la sensibilisation du public sur le don d’organes ?
Nous sommes très investis aux côtés d’associations de patients, pour les aider à promouvoir le don d’organes, à combattre certaines idées reçues (notamment bien expliquer que le don d’organes ne revient pas à donner le corps à la science). En donnant ses organes, mais également ses tissus (comme la cornée, la peau), on peut sauver plus de 7 vies. Le 22 juin, nous allons diffuser un film de sensibilisation dans de nombreuses salles de cinéma. En décembre 2023, nous avons également tenu à remercier les donneurs vivants à travers un film qui leur était dédié. Il est essentiel que notre société soit reconnaissante envers eux. Et, pour rendre plus concrets les bénéfices du don d’organes, nous recueillons l’avis de receveurs, qui témoignent de leur nouvelle vie grâce à la solidarité des donneurs. Enfin, nous concevons, avec les associations de patients, des supports de communication adaptés aux attentes des plus jeunes, diffusés sur leurs réseaux sociaux de prédilection. Des vidéos et témoignages viendront apporter des informations pour pallier le manque de connaissance sur le sujet.
Pour progresser, il faut aussi améliorer la capacité des soignants à convaincre les familles au moment du décès…
Notre rôle est de soutenir les équipes de professionnels de santé, engagées en transplantation, aux côtés des sociétés savantes et des organisations professionnelles, afin de favoriser la formation des soignants, le partage des bonnes pratiques et la fluidité de la chaîne d’intervention sur tout le territoire. Ensemble, nous intervenons par le biais de webinaires qui sont très suivis, destinés aux professionnels de santé. On le voit, il faut agir sur tous les plans : mieux informer le public, y compris les plus jeunes, soutenir et accompagner les soignants afin qu’ils soient en mesure de réduire le taux d’opposition par la qualité des échanges avec les proches, consolider les filières de prise en charge. Un plan ministériel pour le prélèvement et la greffe d’organes et de tissus a été lancé en 2022, et restera en application jusqu’en 2026 : il pose clairement les enjeux, les points d’amélioration, les moyens à déployer et les objectifs à atteindre. En priorité, c’est sur la promotion du don d’organes que nous devons tous nous mobiliser. Car, sans greffons, il n’y a pas de transplantation.
* Source : Agence de Biomédecine, activité de prélèvement et de greffe d’organes en 2023 et baromètre d’opinion 2024.
Stéphane Corenc
MAT-FR-NON-2024-00306 – Juin 2024
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Don d’organes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 22 Juin 2024.
Photo : © Astellas Pharma / DR