Hématologie : relever le défi posé par l’innovation

Pr Mathilde Hunault, Présidente de la Société française d’Hématologie, Cheffe du service des Maladies du sang au CHU d’Angers.

Science des maladies du sang, l’hématologie est une spécialité passionnante mais exigeante. L’innovation lui a permis des pas de géant en rendant plus complexes les diagnostics et les traitements. Certaines maladies naguère fatales sont désormais régulièrement guéries. Pour d’autres, l’espérance de survie en bonne forme a pu doubler, voire tripler en vingt ans. Il en est ainsi, par exemple, du myélome multiple et de certaines leucémies. Ces succès ont transformé les pratiques et, paradoxalement, engendré de nouveaux défis pour la discipline. D’abord par le besoin d’associer les compétences : biologistes ultraspécialisés pour mieux définir et suivre la maladie, pharmaciens cliniciens pour analyser les fréquentes interactions médicamenteuses, infirmiers spécifiquement formés au suivi ambulatoire de ces malades et à la relation ville/hôpital, kinésithérapeutes ou enseignants en activité physique adaptée (EAPA), nutritionnistes et psychologues pour la tolérance au long cours des traitements. Mais surtout par la répétition plus fréquente –  en structures spécialisées  – des temps consacrés à la réévaluation médicale et à la décision finale : administrer ou non les médicaments prévus, détecter une rechute, affirmer la rémission ou la guérison. Or, à l’instar d’autres spécialités médicales, l’hématologie souffre d’une démographie professionnelle qui se tend. A peine 50 hématologues sont formés chaque année en moyenne, 54 en 2023, mais 45 en 2024. Le maillage territorial commence à s’en ressentir, au risque d’inégalités d’accès aux soins selon les lieux de résidence. Nous appelons donc à ce que cette spécialité, presque exclusivement hospitalière, soit davantage soutenue et valorisée et à ce qu’elle soit aidée à mieux travailler en pluriprofessionnalité. Nous tentons de nous organiser sur le terrain, notamment pour la collaboration pluriprofessionnelle et pour optimiser le fonctionnement des hôpitaux de jour. Mais, à défaut d’un engagement plus déterminé des Autorités de santé, des difficultés s’annoncent pour garantir l’accès à l’innovation à tous les patients.

Antoine Largier


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Hématologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 8 décembre 2024.

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