Hématologie: une année contrastée

Pr Thierry Facon, Chef du service d’Hématologie au CHU Lille, Président de la Société française d’Hématologie (SFH), Membre de l’Académie nationale de médecine.

L’année 2022 aura vu se maintenir en hématologie une grande dynamique de progrès thérapeutiques et on ne dira jamais assez qu’il faut s’en réjouir, pour les patients et leurs familles. Entre septembre 2021 et septembre 2022, environ 30 % des autorisations de mise sur le marché de nouveaux médicaments ont concerné des anticancéreux, dont plusieurs pour traiter des maladies hématologiques. A titre d’exemple, le myélome multiple, souvent cité comme une hémopathie dans laquelle l’innovation est rapide, a vu approuver trois nouveaux médicaments, dont deux dans le champ très prometteur le l’immunothérapie. A cela il faut ajouter des avancées dans l’hématologie non maligne, la plus emblématique étant sans doute l’autorisation de la première thérapie génique de l’hémophilie A. Les équipes françaises ont beaucoup contribué à ces progrès.

Ces innovations ne doivent cependant pas faire oublier plusieurs points de préoccupation dont font partie le délai, jugé souvent trop long, jusqu’à un accès large pour les patients, la fixation d’un « juste prix » à ces médicaments tous onéreux et les pénuries transitoires, maintenant non rares, de médicaments du cancer plus anciens mais qui restent indispensables. On citera par exemple la pénurie qui a concerné l’asparaginase, pour le traitement des leucémies aiguës, et celle, récente, des immunoglobulines, utiles à de nombreux patients, dont ceux présentant un déficit immunitaire.

Les développements de l’immunothérapie ont soutenu en 2022 l’enthousiasme des équipes d’hématologie – elles en ont eu besoin, tant ont été importantes les difficultés du quotidien. Nos services n’ont jamais tant manqué d’infirmières et d’aides-soignantes. Plusieurs d’entre eux, certains parmi les plus prestigieux du pays, dont les activités, comme par exemple les greffes, sont du domaine du recours majeur, ont eu des lits fermés, faute de personnel suffisant. Dire que cette pénurie dégrade la qualité des soins, mais aussi l’effort de recherche, relève de l’évidence. Au moment où nous disposons de tant de nouveaux traitements, nous manquons d’infirmières pour les administrer ; c’est ce défi qu’il faut aussi, collectivement, relever de façon urgente.


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Hématologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 11 décembre 2022.

Photo © Davy Rigault-CHU Lille-SFH / DR