
Au-delà de leur efficacité clinique, les innovations peuvent contribuer à améliorer l’efficience des soins et la qualité de vie des patients, comme l’explique Frédéric Chassagnol, Directeur général délégué de Roche Pharma France.
On entend souvent parler de la valeur sociétale de l’innovation. Que recouvre-t-elle ?
C’est en effet une dimension souvent associée à l’innovation dans le domaine de la santé. Pour les industriels du secteur, la vocation principale d’un médicament ou d’un produit de santé, c’est d’abord d’apporter un bénéfice clinique au patient. Mais certaines innovations peuvent offrir d’autres progrès, au-delà de leur efficacité thérapeutique. C’est le cas notamment pour les nouveaux modes d’administration de médicaments. Chez Roche, nous croyons qu’une innovation thérapeutique peut avoir un impact concret sur l’ensemble du système de santé. Nous sommes l’un des premiers investisseurs mondiaux en santé. Ces cinq dernières années, nous avons investi plus de 450 millions d’euros dans la R&D en France et déployé en 2023 près de 250 études cliniques, incluant près de 15 000 patients.
Chez Roche, nous croyons qu’une innovation thérapeutique peut avoir un impact concret sur l’ensemble du système de santé.
Concrètement, comment cette valeur se traduit-elle pour le patient et le soignant ?
Prenons un exemple. En oncologie, mais aussi dans certaines maladies neuro-dégénératives ou des maladies du sang, de nouvelles modalités de délivrance des traitements se développent. Grâce à la mise au point de formulation administrable par voie sous-cutanée au lieu d’une intraveineuse, il devient possible d’injecter un traitement en beaucoup moins de temps. Ainsi, dans certains cancers, on peut passer d’une heure, voire plusieurs heures, à quelques minutes de temps d’injection ! Les avantages pour le patient sont évidents : une qualité de soins améliorée, moins de temps passé à l’hôpital, un parcours de soins optimisé et, fréquemment, une meilleure adhésion au traitement proposé. Bénéfique pour le patient, cette avancée l’est également pour les hôpitaux. Ils peuvent prendre en charge davantage de patients, dans de meilleures conditions, mobiliser moins de soignants et, dans certains cas, ils peuvent même traiter le patient à son domicile. C’est l’ensemble du système de santé qui y gagne en productivité et en efficience. Cette valeur sociétale peut se mesurer à partir de divers indicateurs, comme la satisfaction des patients, les économies sur les hospitalisations et les trajets évités, les économies pour l’Assurance-Maladie, le nombre de congés d’aidants épargnés ou encore le retour au travail plus précoce du patient.
Est-elle suffisamment reconnue dans la définition de valeur de la solution thérapeutique, et comment progresser sur ce plan ?
La prise en compte de ces gains directs et indirects, appelés aussi externalités positives, reste à parfaire. Malgré les recommandations et critériologies, ces gains ne pèsent pas réellement et concrètement dans la valorisation du médicament, notamment la détermination de son prix. Pour nous, il est essentiel que les pouvoirs publics soient plus attentifs aux externalités positives, car c’est un facteur clé pour établir la juste valeur d’un médicament.
Selon vous, pourquoi est-il essentiel de valoriser l’innovation ?
Il y a bien sûr un enjeu d’attractivité. Valoriser au plus juste les solutions thérapeutiques incitera les entreprises de santé à investir dans la R&D en France. Au-delà, c’est la vision stratégique qui doit évoluer : la santé ne doit plus seulement être perçue comme une dépense à rationaliser, mais comme un investissement pour l’avenir ! Être en bonne santé est vertueux économiquement pour l’ensemble de la société. La difficulté, bien sûr, c’est de sortir du court-termisme budgétaire, pour investir sur le moyen et le long terme. Il faut également plus de souplesse dans la gestion des moyens consacrés à la santé, s’extraire de la logique des enveloppes cloisonnées et réfléchir à des modalités de financement selon les parcours de soins par pathologie. C’est dans ce cadre qu’il sera possible de tenir compte des économies directes et indirectes générées par la valeur sociétale des innovations.
Stéphane Corenc
Articles extraits du dossier Grand Angle spécial Innovation Santé réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 26 avril 2025.
Photos : © Roche France / DR
Information communiquée par le laboratoire Roche