
Avec son pipeline de plus de 190 projets, AstraZeneca est l’un des leaders de l’industrie pharmaceutique. Anne-Laure Dreno, Présidente de sa filiale française, plaide pour des politiques visant à mieux accueillir l’innovation en France, tout en renforçant son attractivité et sa souveraineté.
Comment AstraZeneca accélère-t-il le progrès thérapeutique ?
La recherche progresse à un rythme exceptionnel. AstraZeneca en est un des principaux moteurs, ayant investi plus de 13 milliards de dollars en R&D en 2024 pour lancer 20 nouveaux médicaments d’ici à 2030. Ainsi, nous pourrons répondre aux besoins non couverts de millions de patients dans nos aires thérapeutiques (cancer, maladies respiratoires, cardiovasculaires et rénales, maladies rares…). Nous sommes particulièrement investis en France, en étant l’un des principaux contributeurs à la recherche clinique (+ 150 études en cours en 2024).
La France doit prendre des mesures décisives pour garantir aux patients français un accès rapide et équitable aux traitements innovants.
La France est-elle prête à accueillir ces innovations ?
La France a des atouts incontestables, scientifiques notamment. Néanmoins, des réformes sont urgentes. D’abord, pour améliorer l’évaluation clinique. Aujourd’hui, il est impossible de reconnaître les bénéfices de molécules pour des maladies à évolution lente. Les essais cliniques ne peuvent pas durer aussi longtemps que l’évolution naturelle de la pathologie. Nos voisins européens ont intégré d’autres critères qui le permettent, tout aussi efficacement mais de manière indirecte. Par exemple, les médicaments hypocholestérolémiants anti-PCSK9 ont été mis à disposition très vite chez eux, sur la base de leur efficacité à abaisser le taux de cholestérol. En France, ce n’est qu’une fois l’effet démontré sur la morbi-mortalité que les patients à haut risque cardiovasculaire y ont eu accès. Bien trop tard. Ensuite, en ne faisant plus reposer la majeure partie de la charge budgétaire sur les innovants. Les mécanismes de maîtrise du budget médicament, dont la clause de sauvegarde*, ont été modifiés pour alourdir la contribution des laboratoires innovants et favoriser les producteurs de médicaments anciens et les génériqueurs. Il faut faire l’inverse. Dans un contexte international hyperconcurrentiel, alors que l’innovation pharmaceutique est une priorité, tout est lié : soutenir l’innovation permet d’attirer des essais cliniques – déjà un accès à l’innovation pour les patients –, des investissements industriels, et de renforcer sur le long terme notre souveraineté et notre compétitivité scientifique.
« La médecine personnalisée devient réalité »

Pr Philippe Berta, Généticien, ancien député du Gard
Quelles sont les avancées thérapeutiques majeures et comment vont-elles changer la vie des patients ?
Les avancées thérapeutiques majeures se font pour beaucoup à travers le passage de thérapies conventionnelles, ciblant un grand nombre de patients et le plus souvent de nature chimique, à des biothérapies (anticorps, peptides, protéines, gènes, cellules) dont la production reste beaucoup plus complexe et donc onéreuse.
Leur développement se fait aussi de concert avec le développement des outils diagnostiques permis par les « omics » et l’IA, ce qui aide à mieux caractériser la pathologie mais aussi le patient qui la porte. L’ère de la médecine personnalisée, relevant depuis plus de vingt ans du discours et des intentions, devient et deviendra de plus en plus une réalité. L’oncologie, avec l’approche CAR-T en hématologie, en témoigne, en offrant également aujourd’hui des perspectives prometteuses pour les tumeurs solides. Autre exemple, la vaccination thérapeutique individuelle, par exemple contre les cancers liés au papillomavirus, laisse espérer l’éradication à terme de certaines maladies. N’oublions pas, enfin, le potentiel des technologies à base d’ARNm, qui reste encore cependant à confirmer.
L’écosystème français est-il de nature à favoriser l’accueil de l’innovation ?
Il a longtemps été pionnier dans un domaine que je connais bien, les maladies rares, avec un cadre propice pour le développement de thérapies innovantes. Cependant, il faut s’inquiéter d’une forme de « décrochage », comme l’illustre la dégradation de notre pays sur le plan de la recherche clinique, derrière l’Espagne et l’Allemagne. Si l’on prend le cas des thérapies géniques, nous sommes en retard, à défaut d’anticipation des besoins et de programmes de développement ambitieux. Cela se traduit par un recul depuis plusieurs années dans les classements internationaux, une perte de chance pour les patients et la fragilisation de notre économie associée. Notre modèle d’évaluation ou encore de financement doit hâter sa mutation au risque de l’accélération de la perte de notre compétitivité.
Comment adapter les parcours de soins pour un accès optimisé à l’innovation ?
Si l’accès au diagnostic se doit de respecter l’équité territoriale, il doit aussi faire appel de façon plus systématique et rapide à l’approche génomique. La haute technicité, à travers plates-formes technologiques de pointe et savoir-faire, doit conduire pour le traitement à une extrême rationalisation à travers quelques grands centres aux domaines d’intervention bien délimités.
Investir dans la santé, avec une vision d’avenir forte

Pour l’économiste de la santé Frédéric Bizard, Professeur d’économie, ESCP, Président Fondateur de l’Institut Santé, la France perd du terrain en matière de soutien à l’innovation en santé, mais elle peut encore se relancer.
L’innovation s’accélère. L’écosystème français est-il à la hauteur ?
L’arrivée massive d’innovations, tant dans les thérapies médicamenteuses que dans les champs du diagnostic, des technologies médicales ou de la santé numérique, offre des espoirs considérables sur le plan médical et sanitaire. Les bienfaits pour les patients tardent à se traduire en France, car notre système de santé ne fait pas de la diffusion massive et rapide de ces innovations une priorité. 63 % seulement des nouveaux médicaments autorisés en Europe entre 2019 et 2023 sont disponibles sur le marché français, contre 88 % en Allemagne. Entre l’obtention de l’AMM et l’arrivée sur le marché, il faut en moyenne 527 jours en France, versus 120 en Allemagne. Le dispositif d’accès précoce, en l’aménageant, doit devenir le droit commun. Il faut simplifier la gouvernance (une seule agence) et considérer les innovations à leur juste prix. Rechercher des gains d’efficience sans prioriser les innovations est antinomique.
La France est-elle compétitive sur le plan international pour attirer des investissements ?
Je dirais que la situation est contrastée. C’est le 5e marché pharmaceutique mondial, et il est donc au cœur des stratégies de développement des entreprises de santé. Grâce à l’excellence de ses chercheurs et de ses cliniciens, c’est également un pays prisé pour des travaux de R&D, dans des domaines clés pour l’innovation, comme l’oncologie ou les maladies rares. Cependant, la complexité réglementaire, l’excès des prélèvements obligatoires (généraux et spécifiques au médicament) et les délais de constitution des essais cliniques freinent largement les investissements. La France a perdu du terrain dans les années 2000 et 2010, en sous-estimant l’impact du virage des biotechnologies. L’investissement public en R&D dans le domaine médical a baissé de 28 % de 2011 à 2018 versus + 16 % au Royaume-Uni. Le plan France 2030 (7,5 Mds € pour la santé) tente de compenser ces retards, mais le manque de priorités stratégiques conduit à une dispersion trop large des investissements.
Que faut-il changer pour redevenir le leader européen de la santé ?
Il faut changer de paradigme : accepter de considérer la santé comme un investissement d’avenir pour la société et non plus seulement comme une dépense de soins à socialiser, et revoir la gouvernance pour simplifier les conditions d’accès à l’innovation. Les politiques doivent prendre en compte ce que les économistes appellent les « externalités positives », soit les gains économiques générés par l’innovation, grâce à la réduction de l’incidence des pathologies lourdes sur le système (prévention et gains d’efficience sur les soins).
Stéphane Corenc
Articles extraits du dossier Grand Angle spécial Innovation réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 26 avril 2025
Photos : © Alex Bonnemaison-AstraZeneca – S Spiritelli – DR
FR-22184 – 04/2025 Information communiquée en collaboration avec l’entreprise de santé AstraZeneca.