
La thérapie génique des maladies rares représente une épopée qui change déjà le destin de nombreux malades. Explications de Serge Braun, ancien Directeur scientifique de l’AFM-Téléthon, Directeur de la stratégie neuromusculaire de Généthon.
Nous fonctionnons grâce à 23 000 gènes et un seul défaut dans l’un de ces gènes peut provoquer une maladie. Quatre-vingts pour cent des maladies rares sont d’origine génétique. Dans ce domaine, la thérapie génique est une révolution qui va changer le cours de la vie de nombreux malades. Pour délivrer un gène sain dans un organe ou un organisme malade, on utilise des transporteurs, ou vecteurs, qui sont souvent des virus désactivés et donc inoffensifs. Ces vecteurs pénètrent dans les cellules pour y livrer leur matériel génétique qui va les réparer. On parle ainsi de « gène médicament ». Les premiers essais ont été menés pour une maladie rare immunitaire – les bébés-bulles – à la fin des années 1990, avec une technique consistant à prélever de la moelle osseuse aux enfants, à modifier génétiquement les cellules et à les leur réadministrer. La technologie a continué d’évoluer, avec, dès les années 2010, l’injection de gènes médicaments directement dans l’organe malade, avec de premières applications en ophtalmologie. Aujourd’hui, grâce notamment aux recherches de notre laboratoire Généthon, on peut administrer un gène-médicament dans le sang pour atteindre des organes, comme les muscles ou les neurones moteurs de la moelle épinière. Une première thérapie génique pour une maladie neuromusculaire, l’amyotrophie spinale, mortelle avant l’âge de 2 ans pour sa forme la plus grave, est disponible et a sauvé la vie de plus de 4 000 enfants dans le monde. Par ailleurs, Généthon a conçu une thérapie génique pour la myopathie de Duchenne, la plus fréquente des maladies neuromusculaires de l’enfant, qui a montré une efficacité remarquable chez les enfants traités à la plus forte dose dans le cadre d’un essai de phase I/II, mené en France et en Angleterre. Nous devons, pour confirmer ces résultats, lancer sa phase pivotale qui inclura une soixantaine d’enfants. Comme pour beaucoup de maladies rares, l’enjeu aujourd’hui est le financement de la poursuite de cet essai : plus de 100 millions d’euros sont nécessaires pour aller jusqu’à la mise sur le marché. Et il s’agit d’un essai parmi beaucoup d’autres, qui sont aujourd’hui en clinique ou prêts à y entrer. Il est donc plus que jamais urgent pour la France, et plus largement l’Europe, de mettre en place l’écosystème qui permettra de développer sur notre territoire les innovations nées dans nos laboratoires, tout en permettant aux maladies rares d’en bénéficier. Quatre-vingt-quinze pour cent des maladies rares restent sans traitement. Et derrière ces milliers de maladies, il y a des millions de malades qui attendent.
Propos recueillis par Sandrine Guinot
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Maladies Rares réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er mars 2025.