Vers un accompagnement plus complet des patients atteints de Mici

La prise en charge holistique des maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) se perfectionne, avec l’intégration des paramètres d’activité de la maladie désormais reconnus comme essentiels pour la qualité de vie des patients. Entretien avec le Pr Xavier Roblin, gastro-entérologue, service de gastro-entérologie et d’hépatologie, au CHU de Saint-Etienne.

Quels sont les nouveaux paramètres d’activité des MICI induisant aujourd’hui une évolution dans leur prise en charge ?

Je dirais qu’il y en a deux principaux : les besoins impérieux et la fatigue chronique. Il y a quelques années, dans les MICI, les médecins et les études cliniques se concentraient sur les douleurs abdominales et le nombre de selles pour la maladie de Crohn et sur les selles et la présence de sang pour la rectocolite hémorragique (RCH). Ces symptômes, rapportés par les patients, sont qualifiés de PRO, ou « patient reported outcomes  », et permettent d’établir des scores d’activité de la maladie et d’efficacité des traitements. Dans la RCH mais aussi dans la maladie de Crohn, on a constaté que les patients parlaient de «  besoins impérieux  », qu’ils exprimaient par exemple en termes d’urgence toilettes. Ce symptôme, souvent perçu comme plus lourd que la fréquence des selles, les douleurs abdominales ou le sang dans les selles, affecte fortement la qualité de vie, mais n’est pas inclus dans les scores d’activité des MICI. Une récente étude sur la RCH a examiné plus particulièrement ce symptôme et validé un score, qui permet d’évaluer l’efficacité des médicaments sur ce paramètre. Pour l’obtenir, les patients notent sur une échelle de 0 à 10 la sévérité de leurs envies d’aller aux toilettes au cours des dernières vingt-quatre heures. Cette étude marque un tournant dans la prise en charge des MICI, en sensibilisant les gastro-entérologues à l’importance de ce symptôme, désormais reconnu comme un facteur essentiel, impactant la qualité de vie des patients. A l’avenir, il y aura donc un consensus pour intégrer trois PRO dans les études cliniques sur la RCH : le nombre de selles par jour, le sang dans les selles et les besoins impérieux. En sera-t-il de même dans la maladie de Crohn ? Cela est probable.

Parlez-nous de la fatigue chronique. En quoi ce symptôme est-il prégnant dans les MICI ?

Grâce à l’efficacité croissante des traitements disponibles, nous parvenons à mettre nos patients en rémission, c’est-à-dire sans aucun marqueur biologique ni clinique de leur maladie et à ce que l’imagerie de leur côlon soit normale. Mais la moitié des patients souffre encore de fatigue chronique, souvent plus intense que celle observée dans des pathologies comme l’asthme, la polyarthrite rhumatoïde ou même le cancer. Cette fatigue, physique et psychique, perturbe très fortement leur vie professionnelle, sociale et personnelle, pouvant même provoquer une dépression. En marge des causes classiques de fatigue comme l’anémie ou les carences en fer et magnésium, le corps médical a envisagé des hypothèses telles que le manque de tryptophane ou une mauvaise qualité de sommeil. Les études portant sur la première hypothèse n’ont pas été concluantes, et celles menées actuellement sur le sommeil n’ont pas encore livré leurs résultats. Les médecins préconisent une prise en charge holistique de cette fatigue chronique : éducation thérapeutique des patients, écoute psychologique, conseils diététiques et activité physique adaptée. Des études sont en cours pour en apprécier leur valeur. Disposer de parcours de soins en hôpital avec tous ces éléments serait l’idéal, bien que cela reste pour l’heure complexe à mettre en œuvre.

Existe-t-il un outil prenant en compte plus de paramètres pour une prise en charge personnalisée des patients atteints de MICI ?

Il y a environ dix ans, une équipe anglaise a montré qu’un disque en format papier, comportant jusqu’à 10 paramètres tels que la qualité du sommeil, les douleurs articulaires, les douleurs abdominales, la sexualité, etc., et sur lesquels le patient atteint de MICI pouvait mettre un score de manière très rapide, était un plus pour leur prise en charge. Ainsi, le médecin pouvait évaluer visuellement si son patient allait bien ou mal, et également identifier un problème que ce dernier n’aurait jamais osé aborder en consultation, comme par exemple, celui d’une sexualité perturbée par la maladie. Ce disque, largement disponible, permet au médecin d’identifier les éléments résiduels de la MICI et d’individualiser la prise en charge en orientant le patient vers un spécialiste pour gérer des troubles spécifiques. Ce changement de paradigme dans la prise en charge des MICI répond à une nouvelle attente recherchée par les médecins, qui n’est plus la rémission mais la quête d’une qualité de vie normale pour leurs patients.

Propos recueillis par Sandrine Guinot-Mosetti


PP-LG-FR-0157 – Mai 2025 Interview à l’initiative de Lilly France et en collaboration avec le Pr Xavier Roblin

Article extrait du dossier Grand Angle spécial MICI réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 20 mai 2025.

Photos : © Lilly / DR