CVRM : quelle place pour les innovations thérapeutiques de demain ?

Interview d’Anne-Laure Dreno, Présidente d’AstraZeneca France, et Gabriel Thabut, Directeur médical BBU.

Quelle évaluation faites-vous de la prise en charge des maladies cardiovasculaires, rénales et métaboliques (CVRM) en France ?

G. Thabut Les maladies CVRM touchent des millions de personnes en France et représentent un fardeau considérable pour les patients et le système de santé. Pourtant, elles demeurent massivement sous-dépistées et sous-traitées. Un exemple éloquent est celui de la maladie rénale chronique (MRC), qui touche 6 millions de personnes en France, silencieuse jusqu’à ce que la mise en place d’un traitement par suppléance (greffe ou dialyse) soit inévitable. Chez ces personnes, un dépistage précoce permettrait de ralentir de moitié la progression de la maladie. Pourtant 1 patient sur 3 arrivant au stade sévère n’aura jamais été pris en charge auparavant.

A.-L. Dreno Cet exemple illustre la nécessité de faire de la prise en charge précoce des maladies CVRM une priorité absolue. Les pouvoirs publics ont bien conscience des enjeux associés à ces pathologies, qui évoluent lentement et laissent dangereusement penser qu’il n’y a pas d’urgence à agir. Au-delà de l’impact pour les patients, les coûts collectifs d’une prise en charge trop tardive sont colossaux (4,4 milliards d’euros par an). Récemment, l’Assurance-Maladie a très justement priorisé les maladies cardiovasculaires et reconnu la nécessité d’un dépistage précoce et d’une prise en charge globale de ces pathologies interconnectées. Ces efforts, qui nous engagent tous, doivent désormais s’accélérer et s’intensifier.

Quelles innovations peut-on attendre prochainement dans l’aire des maladies CVRM en France ?

G. T. AstraZeneca est pionnier dans l’aire CVRM. Grâce à nos investissements majeurs en R&D, nous disposons déjà non seulement d’un portefeuille parmi les plus innovants, mais également d’un pipeline très prometteur pour des profils spécifiques de patients, notamment ceux présentant plusieurs pathologies CVRM à des stades avancés. Nous espérons évidemment pouvoir mettre à disposition ces solutions le plus rapidement possible, pour tous les patients en ayant besoin.

A.-L. D. Ces innovations peuvent être une occasion de repenser les méthodologies d’évaluation. Les autorités exigent aujourd’hui des preuves d’efficacité directes sur la morbi-mortalité. Or, le démontrer directement est très difficile, sinon impossible, avec des pathologies évoluant très lentement. Les bénéfices ne pourraient en effet être pleinement démontrés qu’avec des études se déroulant sur une période très étendue, incompatible avec la temporalité des essais… mais surtout avec la nécessité d’apporter ces innovations au plus vite. La reconnaissance de l’innovation est donc pénalisée en France, ce qui entrave en bout de chaîne son accès aux patients. Pour prendre en compte les spécificités de molécules intervenant dans la phase précoce de la prise en charge, nos voisins européens ont su adapter leurs méthodes d’évaluation en intégrant d’autres critères qui permettent d’en démontrer – tout aussi efficacement mais de manière indirecte – les bénéfices. A titre d’exemple, la classe des médicaments anticholestérol PCSK9 avait été autorisée au niveau européen, puis mise à disposition dans la plupart des pays, sur la base de données qui démontraient leur impact sur le taux de cholestérol. En France, ces données n’avaient pas été acceptées, sauf pour une population restreinte. Ce n’est que bien après, une fois l’effet démontré sur la morbi-mortalité, que les patients avec une maladie cardiovasculaire, soit ceux les plus à risque, y ont enfin eu accès. Il me semble qu’une réflexion doit être engagée, associant non seulement les industriels et les autorités, mais également les soignants et les patients, qui sont les premiers concernés.

Stéphane Corenc


Maladie rénale chronique : vers la fin de la dialyse ?

C’est l’espoir formulé par le Pr Vincent Esnault (CHU de Nice), grâce aux nouvelles générations de médicaments.

A défaut de solution thérapeutique réellement efficace, la maladie rénale chronique a longtemps condamné le patient à subir la dégradation progressive et irréversible de sa fonction rénale. « Cela peut arriver en quelques mois à quelques années selon les patients, indique le Pr Vincent Esnault, Chef du service de néphrologie-dialyse-transplantation au CHU de Nice. Pour certains d’entre eux, il n’est alors pas possible d’éviter l’insuffisance rénale terminale, nécessitant le traitement par dialyse ou la greffe de rein. » Avec trois séances d’une demi-journée par semaine, l’hémodialyse altère profondément la vie sociale et professionnelle du patient, elle fatigue également l’organisme et réduit son espérance de vie. La greffe de rein, en l’absence de donneur vivant, n’est en général accessible qu’après des mois, voire des années d’attente, et implique de lourds traitements anti-rejets.

Maîtriser les maladies associées

La maladie rénale chronique est le plus souvent la complication d’une pathologie déjà présente: hypertension artérielle (HTA), diabète, obésité. « Mais il y a de nombreuses autres causes possibles, comme le tabagisme, les polluants atmosphériques et certaines maladies génétiques ou auto-immunes, explique le Pr Esnault. La prise en charge passe d’abord par le traitement des pathologies associées. » La diminution de la pression artérielle fait partie des priorités, de même que l’équilibre de la glycémie en cas de diabète ou la perte de poids pour les patients en situation d’obésité. « La bonne nouvelle, c’est que nous bénéficions depuis peu de temps de médicaments très efficaces », relève le Professeur.

Combiner les médicaments pour majorer l’efficacité

Les inhibiteurs du SGLT2 (les glifozines) et les agonistes du GLP1, initialement utilisés pour le traitement du diabète de type 2 et de l’obésité, seront au cœur de la stratégie pour stabiliser la maladie rénale des sujets diabétiques et non diabétiques. « De plus en plus, nous les associons avec les inhibiteurs du système rénine-angiotensine (médicaments dont les noms finissent en -pril ou -sartan) et anti-aldostérone (médicaments aux noms finissant en -one), précise le Pr Esnault. Grâce à cette approche thérapeutique, on peut estimer que d’ici dix à vingt ans, nous commencerons à fermer des centres de dialyse. » Avec, cependant, un effet indésirable à résoudre : ces traitements peuvent entraîner une augmentation du taux de potassium dans le sang. «  Des traitements existent, mais ils sont mal tolérés sur le plan digestif. C’est sur ce point qu’il faut progresser, si nous voulons vaincre définitivement la maladie rénale chronique  », conclut le Pr Esnault.

S.C.


L’HTA, une pathologie à contrôler

L’hypertension artérielle est mal prise en charge en France, alors qu’elle représente un risque majeur pour la santé du cœur et des reins.

Avec environ 17 millions* de personnes concernées, l’hypertension artérielle « est la maladie chronique la plus fréquente en France et l’une des principales causes de complications cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accident vasculaire cérébral), rénales (insuffisance rénale) ou cognitives (démence…), en raison de l’absence fréquente de symptômes », indique le Pr Atul Pathak, Chef du service de Cardiologie de l’hôpital Princesse Grace à Monaco et Président de la Fondation pour la Recherche sur l’HTA. Lorsqu’elle n’est pas contrôlée, l’hypertension affecte le fonctionnement des vaisseaux sanguins. «  L’HTA accélère aussi la détérioration de la fonction rénale en endommageant les vaisseaux et les minuscules unités de filtration présentes dans le rein, et elle peut également être la conséquence d’une maladie rénale chronique », ajoute le spécialiste. La surveillance de la pression artérielle est donc un élément clé en population générale, et spécifiquement pour les patients atteints d’insuffisance rénale. «  Malheureusement, il faut constater, en France, une réelle négligence dans ce domaine, » regrette le Pr Pathak. «  Pour vérifier l’éventualité d’une HTA, il faut demander au patient de procéder à la “règle des 3 x 3” : mesurer sa tension trois fois le matin, trois fois le soir, durant trois jours de suite », explique le Pr Atul Pathak. Toute mesure répétée et standardisée permet cela, la règle des 3 X 3 est facile à retenir.

Outre l’automesure, le Pr Pathak appelle à étendre les modalités du dépistage, en impliquant les pharmaciens, les infirmières libérales, les infirmières scolaires et tout personnel de santé qui peut constituer un point de contact. Une fois diagnostiquée, l’HTA peut être maîtrisée par des mesures hygiéno-diététiques, mais également grâce à plusieurs classes d’antihypertenseurs, si nécessaire. « Il faut souligner par ailleurs l’intérêt des nouveaux médicaments destinés notamment au diabète et à l’obésité, relève le Professeur. S’ils n’agissent pas directement sur la tension, ils permettent de limiter les effets induits de ces maladies sur la pression artérielle tout en protégeant le cœur et le rein. » Comme bon nombre de ses confrères, le Pr Pathak déplore la décision prise il y a quelques années de ne plus inscrire l’HTA au titre des affections de longue durée. « Cela contribue à minorer sa prise à charge, alors qu’elle constitue une priorité majeure de santé publique », constate-t-il.

*Source Santé publique France.

S.C.


MRC : mobilisés pour dépister

L’association Renaloo appelle à l’extension du dépistage de la maladie rénale chronique (MRC).

« Ne pas faire contrôler ses reins, c’est comme ne pas faire contrôler ses freins. » A l’occasion de la Journée mondiale du rein, l’association Renaloo diffuse une campagne choc de sensibilisation des Français. « Il faut absolument étendre et systématiser le dépistage de la maladie rénale chronique pour les personnes à risque, souligne Yvanie Caillé, la fondatrice de Renaloo. C’est un geste simple, et qui permet de la prendre en charge de façon précoce. Près de 6 millions de Français en souffrent, mais la plupart ne le savent pas, les symptômes apparaissant tardivement. » L’extension du dépistage est d’autant plus légitime que les nouvelles solutions thérapeutiques apportent un réel espoir : en finir un jour avec le stade de l’insuffisance rénale terminale, synonyme de dialyse ou de greffe de rein. « A l’appui de cette communication, nous portons également des messages forts, dans le cadre d’une tribune pour appeler à la mobilisation des pouvoirs publics, précise Yvanie Caillé. Outre les bénéfices pour les patients, qui pourront être soignés à temps, le traitement précoce de la MRC est efficace sur le plan du coût. La dialyse d’un patient représente 63  000 euros par an. Il faut principalement porter l’effort sur la greffe de rein, qui améliore qualité et espérance de vie et est bien moins coûteuse. »

Enfin, il faut relever les défis de l’innovation, comme le recours à l’IA, les xénogreffes, ou l’amélioration de la dialyse pour les patients qui ne peuvent pas être greffés. « Nous appelons à une stratégie nationale de santé rénale, construite sur la base d’une vision transversale et ambitieuse, à la hauteur des attentes des malades et des enjeux prioritaires de santé publique soulevés », résume Yvanie Caillé. Cosignée par l’ensemble des associations de patients, la SFNDT et la SFT, la tribune recueille également des contributions de renom, comme le Pr Jean-François Delfraissy, le Prix Nobel Françoise Barré-Sinoussi, l’économiste Thomas Piketty ou le généticien Alain Fischer.

Ne pas faire contrôler ses reins, c’est comme ne pas faire contrôler ses freins.


Yvanie Caillé

S.C.


FR-21539 – 03/2025 Information communiquée par l’entreprise de santé AstraZeneca

Articles extraits du dossier Grand Angle spécial Néphrologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 9 mars 2025.

Photos : © Alex Bonnemaison-AstraZeneca (x2) /DR – FRHA / DR – Renaloo-AstraZeneca / DR