Obésité : diagnostiquer, graduer, accompagner

Au-delà de la perte de poids, l’enjeu est de comprendre les ressorts profonds de l’obésité pour personnaliser le parcours de soins du patient avec son accord. Eclairage du Pr Judith Aron-Wisnewsky, spécialiste de l’obésité et des maladies associées.

Depuis 2022, la Haute Autorité de santé a actualisé les recommandations de bonne pratique et le Guide du parcours de soins des personnes en situation d’obésité. Le document illustre les progrès acquis ces dernières années, face à une pathologie longtemps niée, et uniquement considérée comme la conséquence de comportements inadaptés en termes de nutrition et d’activité physique. « De nombreux travaux scientifiques démontrent que l’obésité est une pathologie complexe, multidimensionnelle, et qui appelle à une démarche méthodique sur le plan du diagnostic et des modalités personnalisées de prise en charge, explique le Pr Judith Aron-Wisnewsky, Responsable du Centre spécialisé de l’Obésité IFD Est à la Pitié-Salpêtrière, et Présidente du groupe de coordination des 37 centres spécialisés obésité français (CSO). L’obésité peut se qualifier comme un excès et des altérations du tissu adipeux (inflammation, fibrose, cette dernière étant associée à une résistance à la perte de poids). Par ailleurs, malgré les pertes de poids, le tissu adipeux conserve la “mémoire” de l’obésité, ce qui expliquerait l’importance de l’effet “yoyo” après un régime. » Si le calcul de l’IMC et la mesure du tour de taille constituent le point de départ pour dépister une obésité, ces mesures ne suffisent pas pour caractériser sa sévérité. « D’autres paramètres doivent être établis, précise Judith Aron. La sévérité prend en compte le retentissement médical (diabète, MASH, apnées du sommeil…), le retentissement fonctionnel (douleurs, complications articulaires, perte de mobilité…), la présence de troubles psychopathologiques, mais aussi l’étiologie de la maladie, l’existence ou non de troubles du comportement alimentaire, et enfin les trajectoires de soins déjà empruntées par le patient. »

La prise en charge du patient nécessite une coordination pluriprofessionnelle, qui s’organise à partir d’une décision partagée entre le patient et son médecin.

Pr Judith Aron-Wisnewsky

Trois niveaux de complexité définis

Ainsi, trois niveaux de complexité sont définis : obésité non complexe, obésité complexe et obésité très complexe, respectivement pris en charge par le médecin généraliste, le spécialiste de l’obésité en libéral et enfin les centres spécialisés obésité, en association avec de nombreux professionnels paramédicaux (diététiciens, psychologues, enseignants en activité physique adaptée). « La prise en charge du patient nécessite une coordination pluriprofessionnelle, qui s’organise à partir d’une décision partagée entre le patient et son médecin », poursuit la spécialiste. L’alliance thérapeutique est fondamentale pour permettre au patient de reprendre la maîtrise de son quotidien. « Après la prise en charge nutritionnelle, les nouveaux traitements médicamenteux représentent un progrès majeur pour aider les patients dans la perte de poids et réduire des complications, ajoute Judith Aron. Il faut envisager de pouvoir les prescrire à vie comme dans toutes les autres maladies chroniques. »

Pierre Mongis


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Obésité réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 5 mars 2025.

Photo : © CSO / DR