Une loi de bioéthique inachevée

Dr Joëlle Belaisch-Allart, présidente du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF).

La loi dite de bioéthique a été promulguée en août 2021. C’est une révolution sociétale, mais elle reste une porte entrouverte et difficile à mettre en œuvre faute de moyens. L’AMP est désormais accessible aux couples de femmes et aux femmes seules. Comme pour toute AMP avec donneur, les candidates sont adressées à l’un des Centres d’étude et de conservation des œufs et du sperme humains (Cecos), qui ont en France le monopole des banques de sperme.

Actuellement, le délai moyen d’attente des couples hétérosexuels y est d’un an, voire dix-huit mois dans certaines régions. Que va devenir ce délai avec l’afflux de nouvelles demandes ? Nous orientons nos patientes les plus âgées vers l’étranger pour préserver leurs chances. L’autorisation de l’autoconservation ovocytaire est confrontée à la même problématique : c’est une avancée formidable, inapplicable… Outre la tranche d’âge de 29 ans à 37 ans des demandeuses, qui a suscité l’étonnement, seuls les établissements publics ou privés à but non lucratif pourront, lorsqu’ils y sont autorisés, la pratiquer. Il s’agirait d’une nouvelle autorisation que les centres devront demander aux ARS, distinctede l’autorisation de préservation de la fertilité d’indication médicale détenue par moins de 50 % des centres d’AMP.

Des mesures transitoires sont attendues, dont on craint qu’elles ne réservent l’autoconservation à ces centres déjà débordés par les demandes d’indication médicale (par exemple avant chimiothérapie) ce qui rendrait l’autoconservation quasi inaccessible. Ecarter les centres privés qui réalisent plus de la moitié des tentatives d’AMP en France est incompréhensible.

La loi de bioéthique nous laisse également face à de grands regrets, comme l’AMP post mortem : les femmes devenues veuves pourront recourir à l’AMP pour femme seule, mais elles ne pourront pas utiliser leurs embryons ; la gestation pour autrui qui, dans un certain nombre de cas, peut être assurée par la sœur ou une amie d’une femme ayant une absence d’utérus (syndrome de Rokitansky) ; la Ropa, pour les couples de femmes, qui consiste à ce que l’une donne son ovocyte à celle qui portera l’enfant et, enfin, le diagnostic préimplantatoire (DPI), qui pourtant réduit les fausses couches et le recours à l’interruption médicale de grossesse en cas d’anomalie.

Gézabelle Hauray

Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé des femmes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 13 janvier 2022.

Photos : © CNGOF / DR