Changer le regard sur les maladies mentales

Marion Leboyer, Professeure de psychiatrie (Université Paris-Est Créteil, AP-HP, Inserm) et Directrice générale de la Fondation FondaMental.

La psychiatrie est en pleine mutation. Tout d’abord sur le plan sociétal, car nous devons faire évoluer nos représentations : aujourd’hui encore, quel relais médiatique ne rapporte pas avec sensationnalisme le trouble mental comme générateur de tragédies glaçantes dont l’opinion s’offusque ? Quel film sur le sujet ne se fait pas l’écho d’un univers dangereux peuplé d’incurables fous que l’on préférerait tenir à distance ? Vaste fantasme cependant, dû avant tout à la méconnaissance. Car l’asile que dépeignait le cinéaste Milos Forman en 1975 ne reflète que ce que la narration collective veut bien en retenir. Il n’empêche que le chemin à parcourir demeure considérable. Le besoin de déstigmatisation et de déconstruction des idées reçues est à la mesure des décennies de déformation et de détournement du regard. Dans la droite ligne des premières Assises de la psychiatrie en 2021, que le pouvoir politique voulait historiques, la place des malades et de leur famille a enfin commencé à capter l’attention qui lui est due.

Changer de regard sur la psychiatrie, c’est certes changer de mentalité. Mais c’est aussi une transformation scientifique profonde. Voilà pourquoi, depuis sa création en 2007, la Fondation FondaMental s’emploie à établir un transfert de la recherche et de l’innovation vers les patients et à tendre vers une médecine de précision en psychiatrie, à l’image de ce qui s’est opéré en cancérologie voilà quelques années. Loin de se limiter à la classification catégorielle internationale des maladies mentales – indispensable référence – fondée sur l’observation comportementale, elle plaide pour une autre vision : l’enrichissement des répertoires comme le DSM par des données multimodales (d’imagerie, génétiques, omiques, électrophysiologiques, digitales, etc.), la constitution de sous-groupes de patients partageant les mêmes signatures cliniques et biologiques  ; et, ce faisant, l’établissement de traitements ciblés et personnalisés. En d’autres termes, le bon traitement, au bon moment, pour chaque patient.


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé Mentale réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 11 octobre 2024.

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