Santé mentale : à l’heure de la médecine de précision

Longtemps cantonnée à l’évaluation et au traitement des symptômes, la psychiatrie opère un tournant décisif ces dernières années, avec l’espoir, demain, de s’attaquer aux « racines du mal ».

Biologie, imagerie cérébrale, génétique, épigénétique, technologies de l’ARNm… Les sciences médicales et thérapeutiques se conjuguent au potentiel du Big Data (et notamment la bio-informatique) pour apporter de nouvelles réponses à des questions clés  : quelles sont les causes des maladies psychiatriques ? Dans quelle mesure sont-elles liées au patrimoine génétique de chaque individu ? «  En vingt ans, les progrès considérables réalisés dans le séquençage du génome ont permis d’attester le rôle de l’ADN pour une partie de ces maladies. Il s’agissait initialement d’évaluations statistiques en population, mais désormais la génétique apporte aussi des réponses pour les patients pris individuellement  », indique le Dr Boris Chaumette, enseignant chercheur à l’université Paris Cité et à l’Inserm, psychiatre au GHU Paris (Sainte-Anne). Spécialiste de la schizophrénie, il illustre son propos : « S’il n’y a pas de gène unique de la schizophrénie, on estime que la combinaison de plusieurs facteurs génétiques joue un rôle dans l’augmentation du risque d’être atteint de la maladie, précise-t-il. Pour nos travaux de recherche, ces nouvelles connaissances sont majeures pour mieux comprendre son étiologie et progresser dans la mise au point de stratégies thérapeutiques.  »

La capacité d’innovation de nos chercheurs est réelle, et il faut désormais investir dans le transfert de ces connaissances pour améliorer les soins.

L’autre enjeu, c’est de s’appuyer sur ces données génétiques impliquées pour catégoriser des profils de patients susceptibles de répondre à certains traitements. « On entre de plain-pied dans l’ère de la psychiatrie de précision, poursuit-il, avec l’objectif de cibler les bons traitements, pour les bons patients et au bon moment. » D’autres technologies et d’autres approches sont sollicitées pour avancer dans la lutte contre les maladies psychiatriques. La neuro-imagerie, par exemple, vise à détecter de multiples anomalies dans le cerveau des patients. L’épigénétique, qui cherche à comprendre les interactions entre un profil génétique et son exposition à un environnement donné (pollution, modes de vie …) , permet de comprendre comment agir pour réduire les risques de survenance d’une pathologie psychiatrique. « Il faut soutenir davantage ces efforts, conclut Boris Chaumette. La capacité d’innovation de nos chercheurs est réelle, et il faut désormais investir dans le transfert de ces connaissances pour améliorer les soins. »

Antoine Combier


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé Mentale réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 11 octobre 2024.

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