Pr Gilles Pialoux, infectiologue, Vice-Président de la Société française de Lutte contre le sida (SFLS).
La lutte contre le VIH se heurte à un paradoxe qui limite les espoirs de parvenir à l’éradication de la maladie d’ici à 2030.
Grâce aux progrès scientifiques, les offres de traitements et de prévention n’ont jamais été aussi nombreuses avec, notamment, l’avènement des antirétroviraux à longue durée d’action, simplifiant la vie des personnes et favorisant leur adhésion. La PrEP a fait la preuve de son efficacité préventive, avec un réel succès auprès de certains publics cibles. Près de la moitié des prescriptions se font en ambulatoire, grâce aux médecins libéraux. La simplification du dépistage, gratuit et sans ordonnance chez le biologiste, devrait favoriser des diagnostics plus précoces.
Cependant, malgré toutes ces avancées, les chiffres stagnent. L’incidence globale qui a diminué de 2012 à 2021 se stabilise, voire augmente dans certains groupes. Près de 5 500 personnes ont découvert leur séropositivité en 2023, selon Santé publique France. Quarante-trois pour cent des diagnostics s’effectuent à un stade avancé de la maladie, ce qui représente une perte de chance pour les patients et un risque accru de transmission avant le dépistage et le passage au traitement antirétroviral. Ces données appellent à se remobiliser pour sensibiliser les populations : le VIH reste un défi majeur pour la santé publique. Il faut mener des campagnes d’information ciblées sur certaines catégories de personnes. Le « aller vers » doit mieux s’adresser aux personnes migrantes, qui restent particulièrement exposées. Mais il faut également se préoccuper des jeunes, des personnes hétérosexuelles lorsqu’elles reprennent une vie sexuelle après une vie en couple et des multipartenaires. Les messages doivent tenir compte des évolutions récentes des pratiques sexuelles, comme vient de l’illustrer la dernière enquête de l’ANRS-MIE. Il faut le répéter : le VIH n’est plus une fatalité conduisant à une mort inéluctable. Mais la maladie reste souvent un fardeau à vivre au quotidien, avec des comorbidités et des conséquences psycho-sociales fortes.
Antoine Largier
Article extrait du dossier Grand Angle spécial VIH réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er décembre 2024.