
Gwenaëlle Thual, présidente de l’Association française des aidants.
En France, plus de 9 millions de personnes accompagnent régulièrement un proche malade ou en situation de handicap, quel que soit son âge. Derrière ce chiffre, des existences en équilibre fragile, où la santé des aidés et celle de leurs proches sont en miroir. A l’Association française des aidants, nous l’observons chaque jour au travers des Cafés des aidants®, des ateliers « Comprendre pour agir » et des formations déployées partout dans le pays : certes, les proches aidants ont une place, celle d’un strapontin inconfortable et précaire. Lorsque l’accès aux soins, aux droits et/ou à l’éducation se dérobe, les proches aidants deviennent la variable d’ajustement. Ils coordonnent, veillent, transportent, gèrent l’administratif et accomplissent parfois des gestes relevant du médical. La pénurie de professionnels, les restes à charge et le faible reste à vivre renforcent cette assignation, pouvant faire vaciller les liens nés dans l’intimité.
Les proches aidants finissent par être la ligne de vie qui tient, ensemble, le parcours de soins et l’articulation entre les acteurs, au risque d’y perdre leur propre santé. Les données publiques confirment cette réalité : la Drees identifie près de 2 millions de « proches aidants les plus impactés » : ceux qui accompagnent plus de vingt heures par semaine et/ou prennent soin, par exemple, d’un enfant malade en situation de handicap. Dans le même temps, plus d’1 aidant sur 2 déclare des conséquences sur sa santé, qu’elles soient mentales ou physiques. Ce constat n’a rien de marginal ; il appelle une réponse de santé publique. Reconnaître la santé des proches aidants comme un enjeu collectif ne revient ni à rendre le strapontin plus moelleux ni à occulter le préalable à toute politique de soutien : sécuriser l’accès aux soins et l’exercice effectif des droits des personnes accompagnées. Il s’agit aussi de protéger le lien, sans lequel les parcours de soins ne tiennent pas. A condition, toutefois, de considérer les aidants non comme un supplément d’âme du système de santé et du pacte social, mais bien comme l’un de leurs piliers.
Sandrine Mosetti
Photo : © Benoît Gillardeau – AFA / DR
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Aidants réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 7 octobre 2025.