
Devenir aidant s’impose souvent sans prévenir. Mais ignorer ce rôle, c’est risquer l’épuisement. S’informer, c’est déjà se protéger. Témoignage de Laure Vezin, psychologue, responsable d’une plateforme d’accompagnement des aidants à la Fondation Odilon Lannelongue, à Vanves.
Être aidant n’est pas toujours un choix conscient. La situation peut s’imposer brutalement, à la suite d’un accident ou d’une maladie, mais le plus souvent elle s’installe de manière insidieuse : quelques courses, une aide administrative, un accompagnement médical ponctuel… jusqu’au moment où le poids des responsabilités devient lourd, impactant sévèrement la charge mentale de l’aidant. Pourtant, beaucoup d’aidants ne se reconnaissent pas comme tels. Cette difficulté d’identification s’explique d’abord par la nature intime de la relation : aider son conjoint, son parent, son enfant paraît naturel. La culture familiale renforce ce sentiment : soutenir ses proches est une évidence, presque un devoir. Dans ce contexte, se dire « aidant » semble difficile, voire culpabilisant. Et accepter l’aide d’un tiers peut parfois donner à l’aidant le sentiment de ne pas être à la hauteur.
Autre motif de non-reconnaissance : la peur de ne plus être dans une certaine normalité et la volonté inconsciente de mettre à distance la situation d’aidance. Enfin, le fait qu’un tiers à l’aidant s’immisce dans sa relation à l’aidé est souvent mal vécu. Ainsi, certains aidants, au fil des ans, s’épuisent jusqu’au burn-out sans avoir anticipé leurs besoins. Reconnaître son rôle d’aidant, c’est aussi accepter ses limites. Cette reconnaissance ne doit pas être vécue comme une « étiquette ». L’essentiel est de prendre conscience des gestes quotidiens posés pour compenser la fragilité d’un proche. Cette prise de conscience ouvre la voie à un meilleur équilibre : déléguer certaines tâches, préserver du temps pour soi, maintenir une vie sociale, éviter l’isolement et continuer à être conjoint, enfant ou parent, sans s’effacer derrière la charge de l’accompagnement.
Enfin, se reconnaître comme aidant permet d’accéder officiellement à un réseau de ressources : plateformes d’accompagnement – il en existe 300, partout en France – cafés des aidants, lignes d’écoute, espaces d’échange… Ces dispositifs sont conçus pour soutenir et prévenir l’épuisement. Même lorsque la situation semble encore « gérable », s’informer en amont est un acte de prévention. Car une relation d’aide peut basculer du jour au lendemain.
Plus d’infos sur : www.soutenirlesaidants.fr
Sandrine Mosetti
Photo : © Fondation Odilon / DR
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Aidants réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 7 octobre 2025.