
Pr Bernard Iung, président de la SFC, et Dr Marc Villaceque past-président du Conseil national professionnel cardio-vasculaire.
Avec le vieillissement de la population, les besoins en cardiologie vont augmenter inéluctablement. Certes, notre spécialité bénéficie de progrès constants, qui permettent de gagner chaque jour des batailles contre les pathologies cardio-vasculaires. Cependant, comme d’autres disciplines médicales, nous souffrons de difficultés pour renouveler les générations de praticiens, en ville comme à l’hôpital. Depuis quatre ans, l’effectif global stagne, avec 6 388 praticiens en activité en 2021 et 6 347 en 2024. De plus 25 % des cardiologues ont aujourd’hui plus de 60 ans. Et les inégalités territoriales se creusent, avec la multiplication de déserts cardiologiques. Les projections démographiques sont sans appel : à défaut d’une réorganisation en profondeur des modes de prise en charge, les cardiologues, seuls, seront dans l’incapacité de répondre à la demande croissante de soins liée aux cardiopathies et à leur prévention, impliquant les médecins généralistes. Quelques chiffres témoignent de l’ampleur des défis à relever. L’hypertension artérielle, par exemple, touche plus de 17 millions de personnes en France. Mais près de la moitié ne sont pas traités, et l’autre moitié n’est pas bien prise en charge, avec, à la clé, de nombreuses formes de complications pour la santé du cœur.
Aujourd’hui, nous en sommes convaincus : il faut coûte que coûte s’engager davantage dans le partage de tâches entre les médecins et les autres professionnels de santé. Par exemple, les infirmiers sont mieux formés que nous pour l’éducation et l’observance thérapeutique des pathologies chroniques cardio-vasculaires. Ils peuvent également adapter le traitement des patients insuffisants cardiaques. Il faut, bien sûr, définir les modalités de suivi et d’examen du patient, ainsi que le retour d’information auprès des médecins. Il faut également adapter les dispositifs de rémunération pour que tous les professionnels soient incités à bien assurer le suivi des patients. Il faut, enfin, s’appuyer sur les structures d’organisation territoriale, comme les Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) ou les Equipes de soins spécialisés (ESS), en prenant soin de laisser les professionnels s’organiser librement entre eux. C’est en agissant collectivement et en bonne intelligence que les soignants pourront, demain, faire reculer la mortalité cardio-vasculaire, y compris dans le contexte d’une société dominée par la vieillesse.
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Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cardiologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 30 septembre 2025