
Après avoir démontré l’apport de l’immunothérapie dans les cancers ORL évolués, de nouvelles études montrent un bénéfice dès les stades opérables, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives pour limiter les récidives et améliorer la qualité de vie des patients. Le point avec le Pr Christophe Le Tourneau, oncologue médical, à l’Institut Curie, à Paris.
Les cancers ORL sont des pathologies fréquentes, avec 16 000 nouveaux cas diagnostiqués chaque année en France. Ils représentent 20 % des cancers chez l’homme, et les cas chez les femmes augmentent. Le plus fréquent des cancers ORL est le carcinome épidermoïde, lié à l’alcool et au tabac ou au papillomavirus. Trente pour cent des cancers ORL sont de petite taille, traités par chirurgie ou radiothérapie, et sont peu à risque de récidive, avec un bon pronostic. Soixante pour cent sont localement avancés, car de grande taille ou envahissant les chaînes ganglionnaires du cou. Ces derniers sont traités soit par chirurgie, aussitôt suivie de radiothérapie et dans certains cas de chimiothérapie, soit directement par radiothérapie et chimiothérapie. Les 10 % des cancers ORL restants sont ceux qui ont d’emblée des métastases à distance, par exemple au foie ou au poumon.
Pour les cancers localement avancés opérés, une nouvelle approche basée sur l’immunothérapie vient bousculer le traitement standard utilisé depuis plus de vingt ans. Une récente étude a par exemple évalué une nouvelle stratégie intégrant l’immunothérapie dès la phase initiale du traitement, avant la chirurgie, puis la prolongation de ce traitement sur une durée totale d’un an. Le résultat est significatif, puisque l’on observe une réduction notable du risque de récidive du cancer de 30 % par rapport au traitement standard. Ce protocole allonge la durée des soins, mais avec une tolérance acceptable qui en fait une alternative à la chimiothérapie. Une telle innovation, qui modifie l’ordre traditionnel des interventions, impose de repenser le parcours de soins, en renforçant l’approche pluridisciplinaire déjà bien établie en ORL.
L’autre bénéfice majeur que pourrait apporter l’immunothérapie serait de limiter l’évolution vers une maladie métastatique, alors que jusqu’ici près d’un patient sur deux récidivait dans les trois à cinq ans suivant la chirurgie. Après plus de vingt ans sans réelle nouveauté, ces innovations sont très attendues. D’autant que de nouvelles classes thérapeutiques sont en cours d’évaluation, ouvrant ainsi la voie à une nouvelle ère dans la prise en charge des cancers ORL localement avancés.
Pierre Mongis
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancer réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 31 mai 2025.