La révolution de l’immunothérapie est en marche dans les cancers du sang avec l’arrivée de nouvelles cellules dites CAR-T cells, qui changent le pronostic et la vie des patients. Point d’actualité avec le Pr Mohamad Mohty, Chef du service d’hématologie clinique et thérapie cellulaire de l’hôpital Saint-Antoine, à Paris.
Qu’est-ce que la thérapie CAR-T cells ou cellules CAR-T, et dans quel contexte est-elle une innovation attendue en onco-hématologie ?
Les cellules CAR-T, ou cellules T chimériques à récepteur d’antigène, sont une forme d’immunothérapie cellulaire destinée à traiter différentes formes de cancer. Ces cellules représentent pour la première fois un espoir réel dans le traitement des patients atteints de certains cancers hématologiques tels que la leucémie aiguë, le lymphome ou le myélome et qui sont en rechute avancée. Elles sont aussi en expérimentation dans certains cancers solides. En effet, pour prolonger la vie de ces patients en impasse thérapeutique, une nouvelle solution était très attendue, tant par les médecins que par les patients. Aujourd’hui, nous pouvons affirmer que nous sommes face à une véritable révolution dans la prise en charge des malades concernés.
Comment les cellules CAR-T agissent-elles et avec quels résultats ?
Le principe est de stimuler les capacités du système immunitaire de notre corps à se défendre lui-même contre la maladie. Longtemps rêvée, cette approche est aujourd’hui réalité. En pratique, il s’agit de prélever des lymphocytes T du malade, qui sont des soldats naturels de l’immunité. Ces lymphocytes T sont ensuite modifiés génétiquement en laboratoire durant quelques semaines, pour apprendre à reconnaître une cible sur la cellule cancéreuse. Une fois ainsi entraînés, ils sont réinjectés chez le malade par une simple perfusion, et se comportent comme un commando qui cible les cellules cancéreuses et les détruit. Ce sont ces lymphocytes T désormais éduqués et armés que l’on appelle communément les lymphocytes CAR-T. Ils donnent des résultats remarquables, avec des rémissions prolongées. Aujourd’hui, par exemple, on peut raisonnablement considérer qu’il y a des guérisons chez certains patients atteints de leucémie aiguë ou de lymphome. Enfin, le bénéfice de ces nouveaux traitements réside dans le fait qu’ils sont administrés en une seule et unique fois, ce qui épargne aux patients de nombreux traitements chroniques et des allers-retours hebdomadaires à l’hôpital auxquels ils devaient se soumettre auparavant durant des années.
Ces traitements sont-ils déjà disponibles pour tous les patients atteints de cancer du sang ? Qu’implique leur mise à disposition ?
Ils sont disponibles depuis trois ans environ pour certains patients dans le traitement de certaines hémopathies malignes telles que le myélome, les leucémies aiguës lymphoblastiques – qui sont le cancer du sang le plus fréquent chez l’enfant – ou le lymphome. ll y a une « euphorie » médicale majeure générée par ces CAR-T, mais il faut prendre en compte le fait que leur usage nécessite de disposer d’une infrastructure hospitalière complexe qui précède et suit leur administration. En effet, il faut des services de support capables non seulement de gérer la thérapeutique, mais aussi de prendre en charge les complications possibles, notamment dans des services de réanimation. Il faut également que tous les patients qui ont besoin de ces thérapies cellulaires et y sont éligibles puissent les recevoir, et donc que les hôpitaux concernés par le traitement de ces patients disposent de suffisamment de lits pour ce faire.
Sandrine Guinot-Mosetti
Légendes illustration
1 • Des globules blancs du patient sont prélevés.
2 • Une partie de ces globules blancs appelés lymphocytes T sont isolés. Production à la surface des lymphocytes T, des « récepteurs antigéniques chimériques » (CAR) à l’aide d’un gène introduit dans leur noyau. Les lymphocytes T ainsi modifiés génétiquement deviennent des cellules CAR-T.
3-4 • Les cellules CAR-T se multiplient et sont injectées au patient en une seule perfusion. Une fois dans le corps du patient, elles reconnaîtront les cellules cancéreuses grâce au récepteur CAR et s’y attaqueront spécifiquement.
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Thérapie cellulaire CAR-T réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 15 septembre 2024.
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