Fibrillation atriale : bien traiter pour préserver le rythme cardiaque

Photo l.champ rigot

Affectant près de 1 million de personnes en France, la fibrillation atriale est un trouble du rythme cardiaque qui fragilise la santé des patients. Heureusement, des traitements sont disponibles. Le point avec le Pr Frédéric Sacher et le Dr Laure Champ-Rigot.

Avec le vieillissement de la population, la prévalence des maladies cardio-vasculaires va mécaniquement augmenter. C’est le cas de la fibrillation atriale, une maladie peu connue du grand public, et pourtant très fréquente. « C’est la forme la plus répandue d’arythmie cardiaque, explique le Pr Frédéric Sacher, professeur des Universités, praticien hospitalier au CHU de Bordeaux, chercheur à l’institut Liryc et président du groupe de rythmologie et de stimulation cardiaque de la Société française de Cardiologie. De 1 à 2 % de la population française en est atteinte, soit près de 1 million de personnes. » L’arythmie cardiaque se caractérise par un dysfonctionnement des battements du cœur : il bat de façon irrégulière. « C’est comme des musiciens qui ne jouent pas en rythme dans un orchestre et perturbent l’harmonie d’un concert, illustre le Pr Sacher. Dans le cas de la fibrillation atriale, le cœur bat irrégulièrement, ce qui provoque des palpitations ou d’autres symptômes (fatigue, essoufflement…) qui peuvent fortement altérer la qualité de vie du patient, ainsi que sa santé cardio-vasculaire. »

Un risque élevé d’AVC

Lorsque le cœur fonctionne normalement, oreillettes et ventricules se contractent régulièrement, sous l’effet d’impulsions électriques, au rythme de 60 à 100 battements par minute. Avec la fibrillation atriale, les impulsions électriques irrégulières et trop fréquentes des oreillettes entraînent des contractions très rapides et une stagnation du sang dans les oreillettes, où peuvent alors se former des caillots de sang, ce qui expose la personne à un risque accru de faire un accident vasculaire cérébral (ou AVC). Outre le risque majoré d’AVC, la fibrillation atriale peut contribuer à la fatigue du cœur, exposant les patients à des maladies graves comme l’insuffisance cardiaque. «  Cette pathologie doit être prise au sérieux, insiste le Pr Sacher. Elle est associée à une augmentation significative du taux de mortalité, toutes causes confondues, et de la mortalité liée aux pathologies cardio-vasculaires. »

« Les technologies mini-invasives, à l’instar de l’électroporation, marquent une avancée majeure pour le traitement de la fibrillation atriale. L’électroporation offre une précision et une sécurité accrues pour les médecins et leurs patients, tout en apportant une réponse concrète aux défis des systèmes de santé. En effet, en rendant les procédures plus sûres et plus rapides, cette innovation contribue directement à réduire les listes d’attente, un enjeu crucial face à l’évolution de la courbe démographique.  »

Xavier bertrand president boston scientific emea
Xavier Bertrand, Président de Boston Scientific EMEA.

Des causes multiples

Les signes d’alerte (palpitations, essoufflement, fatigue…) sont à connaître et doivent inciter à consulter un médecin. « La fibrillation atriale peut être la conséquence de maladies du cœur préexistantes, mais également d’autres maladies comme l’hypertension, le diabète, l’apnée du sommeil, l’obésité ou encore l’hyperthyroïdie ou l’insuffisance rénale, indique le Dr Laure Champ-Rigot, rythmologue au CHU de Caen. Surtout, l’âge reste le premier facteur de risque. »

Certains comportements majorent également le risque de faire une arythmie, la consommation élevée d’alcool ou d’autres produits excitants ou stupéfiants.

L’ECG pour poser le diagnostic

Deux types de fibrillation atriale sont distingués par les rythmologues : la forme dite « paroxystique » (symptômes transitoires) et la forme persistante (une arythmie permanente). « Le diagnostic, réalisé à partir d’un électrocardiogramme, est simple à établir, à la réserve près que l’examen doit être enregistré durant une phase d’arythmie, précise le Pr Sacher. Cependant, grâce aux dispositifs de type montre connectée, la pose du diagnostic est de plus en plus aisée. » Une fois le diagnostic avéré, la prise en charge de la fibrillation atriale dépend de divers paramètres : la fréquence et l’intensité des troubles du rythme, le ressenti du patient, mais également la présence ou non de comorbidités. « En cas d’arythmie intermittente, c’est le choix du patient qui décide de la stratégie à engager, souligne le Dr Champ-Rigot. Mais, grâce aux récents progrès obtenus dans le traitement de la maladie, nous sommes de plus en plus incités à proposer une prise en charge précoce. »

Le bénéfice d’une prise en charge précoce

Comme pour beaucoup de maladies chroniques, une prise en charge précoce permet d’atténuer les symptômes et de freiner l’évolution de la maladie et ses effets délétères sur la santé cardio-vasculaire. « Nous privilégions une approche globale du patient, en insistant notamment sur la nécessité de réduire les facteurs de risque (hypertension, surpoids, apnées du sommeil, alcool),signale le Pr Sacher. Cette première étape s’accompagne le plus souvent d’une prescription d’anticoagulants, afin de réduire le risque de caillots sanguins, susceptibles de provoquer des AVC, ainsi que de médicaments anti-arythmiques pour améliorer les symptômes. »

L’ablation, une technique éprouvée

A côté de ces médicaments, les recommandations médicales font consensus aujourd’hui pour conseiller une intervention : l’ablation de la fibrillation atriale, intervention inventée en France. « Le terme d’ablation peut prêter à confusion, observe le Pr Sacher. En réalité, rien n’est enlevé dans le cœur du patient. Il s’agit de chercher à détruire les zones de tissu à l’origine de la fibrillation, et à isoler électriquement les veines pulmonaires de l’oreillette gauche du cœur. » « L’ablation de la fibrillation atriale peut s’effectuer à partir de trois modalités de traitement différentes, complète le Dr Champ-Rigot. La radiofréquence et la cryothérapie consistent à brûler les tissus à partir du chaud ou du froid. Et, plus récemment, une autre technique s’est développée : l’électroporation. » Elle repose sur l’utilisation d’impulsions électriques de haute intensité délivrées à haute fréquence et résultant en une destruction non thermique et sélective des tissus, ce qui permet l’ablation du tissu cardiaque en réduisant de façon significative le risque de lésion des organes voisins, comme l’œsophage ou les nerfs principaux.

Propos recueillis par Antoine Combier


Proposée depuis quelques années, l’électroporation allie précision et sécurité, offrant une alternative intéressante aux techniques traditionnelles d’ablation. Les explications du Pr Sacher et du Dr Champ-Rigot.

Pouvez-vous nous expliquer comment fonctionne l’ablation de la fibrillation atriale ?

Pr Frédéric Sacher L’ablation est réalisée dans le cadre d’une procédure de cathétérisme cardiaque peu invasive. Le médecin introduit un tube et un flexible appelé cathéter, à partir du pli de l’aine, et le guide jusqu’à l’intérieur du cœur par le biais d’un vaisseau sanguin. La conduite du cathéter est possible grâce à des rayons X et des systèmes de cartographie en 3D qui représentent l’intérieur du cœur. Cette technologie permet de repérer les zones arythmogènes et de les détruire. L’extrémité du cathéter produit des températures élevées pour la technique de la radiofréquence ou très basses en cas de cryothérapie. Avec l’électroporation, on utilise une technique d’électrisation basée sur ce qu’on appelle des champs pulsés. A la différence des deux techniques traditionnelles, il ne s’agit pas d’une énergie thermique. Les tissus ne sont pas brûlés, que ce soit par le chaud ou par le froid.

Dr Laure Champ-Rigot Ces interventions, bien maîtrisées par les équipes médicales, peuvent être réalisées au cours d’une courte hospitalisation avec des durées de procédures d’environ une à deux heures selon la technique et l’extension des zones à traiter. Selon les centres, le patient peut sortir le soir, ou le lendemain, après une nuit d’hospitalisation pour vérifier l’absence de complications post-opératoires. Les taux de réussite sont équivalents pour les trois techniques, et diffèrent essentiellement en fonction du type de fibrillation, allant de 80 % pour les formes paroxystiques à 65 % pour les formes persistantes depuis plusieurs mois. L’électroporation présente un intérêt en termes de réduction du risque de lésions des tissus non cardiaques, et les procédures ont tendance à être un peu plus rapides, ce qui peut permettre de traiter plus de patients.

Outre ces bénéfices, l’électroporation présente-t-elle d’autres avantages ?

Pr F. S. Les études récentes montrent une réduction des risques de la procédure lorsqu’on utilise l’électroporation par rapport aux énergies thermiques comme le risque de rétrécissement des veines pulmonaires, l’atteinte du nerf phrénique ou l’atteinte de l’œsophage, rarissime mais sévère.

Quel est le suivi du patient après l’intervention pour ablation de la fibrillation atriale ?

Dr L. C. -R. Les complications graves sont rares et sont celles de toute intervention par cathétérisme intracardiaque (lésion vasculaire, saignement autour du cœur, AVC). Dans la plupart des cas, les suites sont simples avec parfois des douleurs dans la poitrine pendant quelques jours, une ecchymose au niveau du point de ponction, là où a été introduit le cathéter. La surveillance post-opératoire permet de vérifier l’absence de complications (échographie post-opératoire pour vérifier l’absence de saignement, examen local du point de ponction). Nous prescrivons en général une semaine de repos au patient pour faciliter la cicatrisation. Des anticoagulants sont systématiquement prescrits autour de l’intervention pour prévenir l’éventualité de caillots sanguins.

Quels sont les défis actuels liés à l’adoption et à la diffusion de l’électroporation en France ?

Dr L. C.-R. C’est une technique jeune, pour laquelle nous avons beaucoup moins de recul qu’avec la radiofréquence ou la cryothérapie, en termes de succès à long terme mais aussi de complications. La conception des cathéters et la configuration du champ électrique pulsé sont très variables d’un industriel à l’autre, ce qui rend difficiles les comparaisons, mais également la bonne appropriation par les équipes médicales. Cependant, les premiers résultats sont prometteurs. En poursuivant nos recherches, nous pourrons apprécier pleinement le potentiel de cette technologie.

Pr F. S. L’électroporation par la simplification du geste et la rapidité de la procédure permet de diffuser la technologie dans plus de centres et ainsi de traiter plus de patients. Toutefois, il est indispensable d’organiser une prise en charge holistique du patient.

Propos recueillis par Antoine Combier


EP -2310202-AA

Photo : © Boston Scientific EMEA / DR
Photo SACHER © Ian Wagreich -Boston Scientific EMEA / DR
Photo BIGOT © Arnaud Lombard-Boston Scientific EMEA / DR


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cardiologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 30 septembre 2025