La diversité microbienne, clé de notre immunité


Dominique-Angèle Vuitton, Professeure émérite d’immunologie clinique, membre de l’Académie nationale de Médecine.


Notre environnement est de plus en plus aseptisé : produits désinfectants omniprésents, alimentation pasteurisée, vie urbaine éloignée de la nature et des animaux. En cherchant à éliminer tout microbe de notre quotidien, nous avons affaibli notre système immunitaire. Et le taux de maladies comme l’allergie ou les maladies inflammatoires chroniques de l’intestin (MICI) a bondi ces dernières décennies. Dès les années 1970, on savait déjà que le microbiote intestinal – écosystème de milliards de micro-organismes peuplant notre corps – jouait un rôle essentiel dans le développement du système immunitaire.

Cinquante ans plus tard, les recherches confirment que la diversité microbienne est tout aussi cruciale : lorsqu’elle s’appauvrit, le système immunitaire perd son équilibre. Ce dérèglement favorise la progression des maladies allergiques, du diabète de type 1, des maladies auto-immunes et des MICI notamment. L’étude européenne Pasture – menée depuis 2002 sur 1 000 enfants dans cinq pays et visant à comprendre l’impact de la vie à la ferme sur le développement immunitaire de l’enfant – l’a bien montré. Les enfants vivant dans des fermes, exposés très tôt à une grande diversité microbienne – animaux, terre, lait cru et produits laitiers non pasteurisés – développent un système immunitaire mieux équilibré. Leur microbiote intestinal « mature » plus harmonieusement, ce qui les protège contre les allergies et certaines infections.

À l’inverse, hygiène excessive et urbanisation réduisent cette exposition protectrice. Les produits fermentés – fromages au lait cru, choucroute et charcuteries fermentées – ont presque disparu de notre alimentation, remplacés par des aliments standardisés, censés être plus « sûrs » sur le plan sanitaire. Pourtant, ils restent une source précieuse de « bons » microbes. Sans remettre en question la nécessité d’une hygiène raisonnée, il faut préserver cette biodiversité microbienne d’origine alimentaire et retrouver un contact régulier avec la nature, les animaux, la terre et les aliments vivants. Car notre avenir immunitaire dépendra sans doute de cette réconciliation entre l’humain et les microbes.


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Article extrait du dossier Grand Angle spécial Microbiote réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 20 novembre 2025.