Le danger du pneumocoque aux âges extrêmes de la vie et chez les sujets immunodéprimés ou souffrant de pathologies chroniques met en lumière l’importance de la vaccination. Le point avec le Dr Vermesse, médecin généraliste à La Madeleine (Nord).

Quel est le statut actuel de la vaccination de l’enfant contre le pneumocoque ?

Dr Vermesse : la vaccination de l’enfant contre le pneumocoque est obligatoire et doit comporter trois injections à 2, 4 et 11 mois. Le premier constat auquel nous faisons face est que 10 % des enfants n’auront jamais leur dose de rappel à 11 mois. Or, un vrai schéma vaccinal est un schéma vaccinal complet. En effet, les deux premières injections vont protéger l’enfant dans sa première année de vie contre les méningites à pneumocoques – qui sont les méningites les plus fréquentes avant 1 an. La troisième injection va pérenniser la protection. Beaucoup de médecins appellent d’ailleurs à renommer cette dose « booster ». Si on ne fait que les deux premières injections, on protège l’enfant contre ce qui peut lui arriver au cours de sa première année, mais l’absence de la troisième dose le prive d’une protection à long terme. Il est par ailleurs essentiel de préciser que le pneumocoque ne touche pas que le poumon et ne donne donc pas que des pneumonies, de la même façon d’ailleurs que le méningocoque ne touche pas que les méninges et le cerveau. Aujourd’hui, le vaccin proposé chez l’enfant est le VPC 15, version du précédent VPC 13 enrichie des deux sérotypes émergents les plus rencontrés chez l’enfant. La Haute Autorité de Santé considère que le VPC 15 peut être intégré dans la stratégie vaccinale française pour la prévention des infections invasives, des pneumonies et des otites moyennes aiguës à pneumocoques chez les nourrissons, les enfants et les adolescents de 6 semaines à moins de 18 ans.

Qu’en est-il de l’adulte ?

Après 18 ans, la recommandation de la HAS est de préconiser le VPC 20 en une seule dose, en remplacement du schéma existant avant 2024, lui aussi abandonné (VPC 13 suivi de VPP 23 au moins huit semaines après et rappel VPP 23 tous les cinq ans). Le VPC 20 est le VPC 13 enrichi de sept souches émergentes chez l’adulte. Notons que pour l’adulte il n’y a pas vraiment de recommandation d’âge ; en revanche, il y en a une pour deux populations : les immunocompétents avec comorbidités et les immunodéprimés. La première catégorie rassemble principalement les personnes présentant une insuffisance d’organe vital telle que l’insuffisance cardiaque, pulmonaire, rénale, hépatique et également les personnes obèses, en surpoids et les diabétiques. Il est impératif de vacciner cette population, car elle a une propension beaucoup plus importante à faire des infections à pneumocoque, avec une immunité impactée et un risque important de perte d’autonomie, voire de décès.

La deuxième catégorie de population, les immunodéprimés, est composée par exemple de personnes ayant bénéficié d’une greffe d’organe solide ou de cellules souches, ou ayant reçu des traitements agressifs contre le cancer, et qui ne sortent pas indemnes de ces traitements. Cette population est passée de 150 000 à 200 000 personnes en 2018 à plus de 1 million en 2024, car, aujourd’hui, contrairement à hier, la médecine sauve de plus en plus de ces patients. Mais ils présentent une séquelle immunologique, et la meilleure façon de prévenir cette séquelle est de vacciner. Notre pays est hélas très mauvais élève sur la couverture vaccinale de toutes ces populations fragiles, qui atteint péniblement 4,5  % en 2024 chez les patients avec commorbidités. Cela est particulièrement dommageable, notamment au regard de l’historique du vaccin, qui est passé de sept sérotypes à 13 puis à 20 aujourd’hui. Le vaccin, très efficace, entraîne une baisse de pression des sérotypes existants sur les populations mais permet l’émergence de nouvelles souches virulentes. Les vaccins sont donc enrichis tous les trois-quatre ans avec de nouvelles souches, tout en conservant les souches premières pour éviter qu’elles ne réapparaissent. Le contraste entre la très grande qualité et l’efficacité des vaccins contre le pneumocoque et la faiblesse de la couverture vaccinale est donc d’autant plus saisissant que la solution existe et est à notre disposition. J’aimerais, ici, ajouter une réflexion sur une troisième catégorie de personnes cibles des infections à pneumocoques  : les personnes âgées. Il est important de les vacciner contre le VRS* et la grippe, deux virus qui font le lit du pneumocoque. A date, nous attendons les recommandations à ce sujet, mais il est rationnel d’envisager d’associer également une vaccination antipneumococcique chez les sujets âgés.

Quel message aimeriez-vous faire passer à la médecine générale en matière de vaccination ?

Il faut rappeler à nos confrères que 90 % de la décision d’un patient dépend du médecin généraliste, auquel il fait confiance. Et pour être convaincant, le médecin doit être convaincu. Il doit principalement pouvoir expliquer l’objectif de la vaccination et ne pas la reporter. Les études montrent en effet qu’un vaccin reporté est un vaccin souvent perdu. Egalement, si le médecin ne connaît pas le statut vaccinal d’un patient, il ne doit pas hésiter à faire tout de même un rappel. Mieux vaut un vaccin en plus qu’un vaccin en moins dans le schéma vaccinal. Merci aux médias de relayer nos messages de prévention, ils sont un tuteur indispensable !

Sandrine Guinot-Mosetti

* Virus respiratoire syncytial

Chiffres et dates clés du pneumocoque

• 1re cause infectieuse de mortalité chez l’enfant à l’échelle mondiale : plus de 800 000 décès d’enfants de moins de 5 ans chaque année, dont 1 décès sur 10 attribué à la méningite (selon l’OMS*).

• 1re cause de pneumonie bactérienne communautaire et de méningite de l’adulte.

• 7,6 cas d’infection à pneumocoque pour 100 000 habitants tous âges confondus en France en 2022 (réseau Epibac).

• 1er janvier 2018 : vaccination contre le pneumocoque obligatoire en France dès l’âge de 2 mois chez tous les nourrissons nés depuis cette date.

• Avril 2024 : simplification du schéma de vaccination en France chez les adultes à risque.

Source : Santé publique France.

* OMS : Organisation mondiale de la Santé.


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Journée mondiale de la Pneumonie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 13 novembre 2024.

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