
PDG de Biogen France, Marina Vasiliou revient sur l’impact de la R&D menée avec succès par cette biotech pionnière et sur la nécessité de mieux reconnaître le progrès thérapeutique pour faciliter l’accès aux innovations.
Biogen est engagée dans la prise en charge des maladies rares neuromusculaires. Quelles solutions apportez-vous aux patients ?
Créée il y a près de cinquante ans par deux Prix Nobel, Biogen est une entreprise de biotechnologie pionnière, avec un ancrage fort dans l’innovation thérapeutique consacrée aux maladies rares et sans solutions. Nous sommes fiers d’apporter des thérapies répondant à des besoins urgents dans plusieurs maladies rares neuromusculaires. C’est le cas pour l’amyotrophie spinale : sans traitement, les enfants atteints de la forme la plus sévère décèdent généralement avant l’âge de 2 ans. Nous avons mis à disposition le premier traitement autorisé dans cette pathologie. Grâce aux nouvelles thérapies, le cours de la maladie a radicalement changé. Nous sommes aussi engagés dans l’ataxie de Friedreich, ainsi que dans une forme génétique ultra-rare de la maladie de Charcot. Dans ces maladies, nous sommes à l’origine des premiers traitements autorisés en Europe.
Quelles sont les spécificités de la R&D dans le domaine des maladies rares ?
Aujourd’hui, seulement 5 % des maladies rares disposent d’un traitement spécifiquement conçu pour elles. Cela signifie que 95 % restent sans solution ! Les obstacles sont nombreux, notamment la faible taille des populations dans les études cliniques, conséquence de la faible prévalence des pathologies. De plus, la compréhension des mécanismes à l’origine de ces affections est encore incomplète et complique le processus. Dans le cadre des maladies rares, la recherche fait face à un double enjeu : éthique et rapidité. Les patients ne peuvent pas se permettre d’attendre des années avant de disposer de traitements. Dans certains cas, comme la sclérose latérale amyotrophique (SLA), l’espérance de vie après l’apparition des premiers symptômes ne dépasse pas en moyenne trois à cinq ans. Ce délai rend complexe la réalisation d’une étude clinique classique avec placebo et donc l’obtention de résultats pouvant être pris en compte avec la méthodologie actuelle d’évaluation des traitements.
Quel regard portez-vous sur l’innovation dans les maladies rares en France ?
La France dispose de réels atouts. Grâce aux ambitieux plans nationaux qui ont structuré l’écosystème, à l’excellence des 23 filières maladies rares et à l’engagement des cliniciens et représentants des patients, notre pays a de solides ressources du stade de la recherche jusqu’à l’expérience patients. Cette dernière étape est essentielle pour poursuivre l’évaluation des traitements dans la vraie vie, via le recueil des données des accès précoces ou en vie réelle. Là aussi, la France innove. Nous déployons, par exemple, le premier partenariat public-privé entre un industriel et la Banque nationale des Données dans les Maladies rares (BNDMR) dans le cadre d’un accès précoce, pour accroître la collecte et l’analyse des données et améliorer la prise en charge.
Pour autant, on critique souvent le dispositif d’évaluation des thérapies…
Il est nécessaire de mieux adapter l’évaluation des traitements aux spécificités des maladies rares, notamment en prenant davantage en compte les données en vie réelle issues des accès précoces et des registres. Par ailleurs, il est complexe de mener dans les maladies rares des études sur le modèle standardisé de la recherche clinique en raison du faible nombre de patients et de données, de critères d’efficacité et d’évaluation peu adaptés, et du manque de traitements comparateurs. En conséquence, les avancées apportées par les nouvelles thérapies ne sont pas suffisamment reconnues en France, alors même que l’Agence européenne des médicaments a pu autoriser ces traitements, notamment sur la base de critères exploratoires. Un Comité de Transparence spécifique aux maladies rares pourrait être une solution, ainsi qu’un modèle identique à celui de l’Allemagne, qui permet de reconnaître un bénéfice clinique difficile à quantifier. L’évaluation européenne commune (EUHTA) est une chance de garantir un accès équitable aux traitements pour tous les patients européens. C’est une condition sine qua non pour que la France conserve son attractivité pour la recherche dans les maladies rares.
Pierre Mongis
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Maladies Rares réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er mars 2025.