La thérapie génique oculaire à l’heure des preuves

Les avancées très récentes de la thérapie génique ont ouvert une nouvelle ère dans le traitement des maladies ophtalmiques, et l’on parle aujourd’hui « d’optogénétique », combinaison du génie génétique et de l’optique, qui permet de rendre des neurones sensibles à la lumière.

Alors que l’essai nantais sur l’amaurose congénitale de Leber progresse, nous conduisons actuellement à l’Hôpital des Quinze-Vingts un essai clinique de thérapie génique dans la maladie de Stargardt, la principale dégénérescence maculaire du sujet jeune, en collaboration avec deux partenaires industriels (Oxford Biomedica et Sanofi-Fovea).
Je livrerai au 119e congrès de la Société française d’ophtalmologie (du 11 au 14 mai à Paris) un bilan d’étape sur la tolérance à ce stade du traitement par vecteur viral. Avec ces partenaires, nous préparons un second essai dans le syndrome de Usher. De plus, l’Institut de la vision, en partenariat avec l’AFM-Généthon, débutera à la fin 2013 un essai clinique de phase I-II sur la neuropathie optique de Leber, premier essai au monde dans les maladies mitochondriales. Ce programme bénéficie de la fondation de la start-up GenSight Biologics incubée et abritée dans les locaux de l’Institut. Celle-ci, sous le leadership de Bernard Gilly, a réalisé en avril une levée de fonds exceptionnelle de 32 millions d’euros. Le principal projet de GenSight Biologics en optogénétique est mené avec un consortium international et portera sur la rétinite pigmentaire, cause la plus fréquente de cécité génétique.

La condition nécessaire à cette créativité est de conserver un secteur public fort et indépendant. La spécialité est assez peu dotée par les institutions.

Le dynamisme de la recherche fondamentale et clinique conduit à des partenariats entre la recherche institutionnelle et les entreprises, déjà impliquées ou émergentes… Gensight est ainsi la cinquième start-up de biotechnologies fondée par l’Institut, qui accueille et incube aussi des start-up d’origines variées. La condition nécessaire à cette créativité est de conserver un secteur public fort et indépendant. La spécialité est assez peu dotée par les institutions. Elle est pourtant à l’avant-garde en microchirurgie, dans l’usage des lasers, dans les anticorps monoclonaux, en thérapies génique et cellulaire, en imagerie à l’échelon cellulaire. Les résultats sont prometteurs, et les investisseurs français et étrangers ne s’y trompent pas. En parallèle, l’ophtalmologie doit aujourd’hui faire le grand écart entre des progrès spectaculaires et les carences persistantes de prise en charge, y compris dans nos pays développés où l’hétérogénéité de la prévention et de l’accès aux soins peut étonner.

Pr José-Alain Sahel, directeur de l’Institut de la vision (UPMC, Inserm, CNRS,Hôpital des Quinze-Vingts) et Fondation ophtalmologique Adolphe de Rothschild (Paris).