Cancers de la tête et du cou: la révolution immunothérapie

Fréquemment diagnostiqués à un stade avancé, ces cancers bénéficient de l’arrivée de l’immunothérapie. Le point avec le Dr Jérôme Fayette, oncologue médical au Centre de lutte contre le cancer Léon-Bérard de Lyon.

Quels sont les cancers inclus dans la catégorie de la tête et du cou ?

La majorité des cancers de la tête et du cou sont des carcinomes épidermoïdes de la cavité buccale et des voies aérodigestives supérieures (hypopharynx, pharynx, larynx). Ce type d’atteintes est généralement dû au tabac et à l’alcool. Les cancers de l’oropharynx (base de la langue et amygdales) sont, quant à eux, de moins en moins liés à ces facteurs de risque. L’infection à papillomavirus (HPV) en devient une des causes principales. C’est le cas pour 30-40 % de ces cancers en Europe, ce chiffre atteint 80 à 85 % aux Etats-Unis. Dans ces cas, la vaccination est efficace.

En France, aujourd’hui, cette prévention primaire concerne uniquement les jeunes filles pour la prévention des cancers du col de l’utérus, alors qu’aux Etats-Unis elle est recommandée pour les deux sexes. Enfin, la catégorie la plus rare des cancers de la tête et du cou touche les glandes salivaires et les sinus de la face.

Les régions des cancers de la tête et du cou se situent au niveau des sinus paranasaux ❶, du nez ❷, de la cavité orale ❸, des glandes salivaires ❹, de la langue ❺, du larynx ❻, de l’hypopharynx ❼, de l’oropharynx ❽,du nasopharynx ❾ et du pharynx ❿. – © Science History Images – Alamy Stock 

Qui est touché par les cancers de la tête et du cou ?

Si la consommation de tabac se féminise, la plupart des patients atteints de cancers de la tête et du cou restent des hommes. Ces patients sont malheureusement souvent diagnostiqués à un stade tardif ; 75 % des malades présentent un envahissement ganglionnaire. Les populations plus fragiles sur le plan socio-économique sont le plus fréquemment concernées.

Quelles sont les modalités de prise en charge de ces cancers ?

Au stade local, le traitement repose sur la chirurgie, effectuée dans des centres expérimentés, ou la radiothérapie, éventuellement associée à la chimiothérapie. Des études récentes suggèrent que la chirurgie serait plus efficace. Elle peut toutefois être responsable de séquelles fonctionnelles. En revanche, quelle que soit l’association utilisée, la qualité de vie des patients peut être altérée de manière majeure. La radiothérapie exclusive expose à de fortes doses de rayons et occasionne des sécheresses buccales chez 75 % des patients à deux ou trois ans, qui peuvent être définitives. La place de la chimiothérapie première est débattue, mais dans les cancers du larynx elle a démontré son rôle avant la radiothérapie pour préserver un larynx fonctionnel et éviter la laryngectomie totale. Dans le cadre des maladies récidivantes ou métastatiques, la chimiothérapie donne des résultats décevants au regard d’une toxicité importante.

Des innovations sont-elles à prévoir ?

Après échec d’un sel de platine, l’immuno-thérapie a montré une efficacité supérieure à celle de la chimiothérapie, associée à une meilleure tolérance. Si la médiane de survie passe de cinq mois et demi à sept mois et demi, en pratique les bénéfices de l’immunothérapie sont immenses. Pour la première fois, des patients sont en réponse complète sans récidive observée à ce jour. Une révolution. Malheureusement, ce bénéfice est restreint uniquement à 20-25 % des patients. Une problématique qui nécessite une sélection des patients via des marqueurs à identifier. Autre problématique : les délais entre l’obtention d’une AMM et le remboursement d’un médicament vont au-delà d’un an. Une période qui fait perdre des chances considérables aux patients, aussi bien en termes d’efficacité que de qualité de vie.

L’immunothérapie pourrait également arriver en première ligne de traitement ?

Ce type de stratégie thérapeutique montre une augmentation de la survie globale et encore une fois une meilleure tolérance versus la chimiothérapie. Des résultats sont également attendus en association à la radiothérapie dans des traitements à visée curative, contrairement aux précédentes stratégies thérapeutiques dont l’objectif était de limiter l’évolution de la maladie. Ces avancées sont liées aux nouvelles thérapies mais aussi au dynamisme de la France à travers le travail du Groupe Oncologie Radiothérapie Tête et Cou (GORTEC). La France a notamment été le plus gros recruteur devant les Etats-Unis dans une large étude menée par le laboratoire Bristol-Myers Squibb.

Gézabelle Hauray 

Article extrait du dossier Grand Angle – Spécial cancers de la tête et du cou, réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde daté du 21 décembre 2018