Les cancers des voies biliaires, difficiles à diagnostiquer et à soigner, pourraient être prochainement mieux traités grâce à l’immunothérapie.

Dr Cindy Neuzillet, gastro-entérologue à l’Institut Curie à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine)

C’est une forme de cancer rare, quitouche environ entre 2 000 et 4 000 personnes par an en France, et dont la prise en charge est complexe en raison de sa situation anatomique et d’un diagnostic souvent tardif. Les cancers des voies biliaires (ou cholangiocarcinomes) se développent au niveau des voies biliaires, ces conduits qui partent du foie et aboutissent dans la première partie de l’intestin grêle (le duodénum), en traversant le pancréas, et auxquels la vésicule biliaire est raccordée. « Ils ont pour fonction de conduire la bile, qui permet l’absorption des graisses par l’intestin, indique le Dr Cindy Neuzillet, gastro-entérologue à l’Institut Curie à Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) et spécialiste des cancers des voies biliaires. Secrétée par le foie et stockée entre les repas dans la vésicule biliaire, la bile est aussi la voie d’élimination d’un grand nombre de substances endogènes ou exogènes (médicaments), une fois transformées par le foie. »

Les cancers des voies biliaires se caractérisent par leur hétérogénéité

« Quatre sous-types sont répertoriés, selon la localisation du cancer, qui peut se développer tout au long du trajet des voies biliaires, détaille le Dr Neuzillet. Le cholangiocarcinome intra-hépatique, qui se présente sous la forme d’une ou de plusieurs masses dans le foie, nécessite des examens pour le distinguer de métastases dans le foie provoquées par un cancer à point de départ extra-hépatique, comme par exemple des métastases d’un cancer du côlon. » Seconde localisation possible, le cancer peut se développer au niveau du hile hépatique, cette zone carrefour où les voies biliaires issues de la partie gauche et de la partie droite du foie se rejoignent, à proximité immédiate des vaisseaux veineux et artériels, ce qui en rend la chirurgie délicate. « Il peut entraîner le blocage de l’écoulement de la bile, ce qui provoque un ictère (jaunisse) et constitue un symptôme d’alarme orientant vers le diagnostic », ajoute le Dr Neuzillet. Enfin, deux autres secteurs peuvent être concernés  :la partie basse des voies biliaires, y compris celle traversant le pancréas, et la vésicule biliaire, dont les cancers sont plus souvent diagnostiqués tardivement en l’absence de symptômes spécifiques. « Il n’y a pas de biomarqueur pour dépister ce cancer, explique le Dr Neuzillet. Le diagnostic est évoqué sur des examens d’imagerie (échographie, scanner et IRM), et confirmé par des biopsies au niveau foie ou par endoscopie. Ces examens permettent en outre de repérer la localisation du cancer et d’en préciser le stade d’extension. »

En matière de traitement, la chirurgie, visant à retirer la partie de la voie biliaire et du foie touchée par le cancer, intervient en première intention. Mais elle n’est possible que lorsque la maladie est localisée, ce qui ne concerne qu’une minorité de patients. Lorsque la tumeur est plus étendue (dans le foie ou sous forme de métastases), des traitements par chimiothérapie sont alors proposés, mais les possibilités thérapeutiques restent limitées. « A un stade avancé, des soins de support sont mis en place, visant à diminuer les symptômes, améliorer le confort de vie du patient et mieux supporter les traitements. Les cancers des voies biliaires restent de mauvais pronostic, précise le Dr Neuzillet. Cependant, des innovations récentes ont permis d’en améliorer la prise en charge. Des thérapies ciblées sont ainsi disponibles, en particulier pour les cholangio- carcinomes intra-hépatiques porteurs de certaines altérations génétiques.

La sensibilisation des médecins sur ces cancers reste un enjeu clé

« L’étude TOPAZ, présentée il y a deux mois, offre des perspectives encourageantes, se félicite le Dr Neuzillet. Elle a comparé la chimiothérapie de référence associée à un anticorps monoclonal d’immunothérapie parrapport à cette chimiothérapie associée à un placebo. Les résultats montrent un gain significatif de survie globale pour les patients traités avec l’anticorps d’immunothérapie. Il faut à présent poursuivre l’exploration du potentiel de l’immunothérapie, avec les résultats à venir d’autres études qui ont associé des immunothérapies entre elles ou à la chimiothérapie. » La sensibilisation des médecins sur ces cancers reste un enjeu clé, afin d’orienter les patients au plus tôt vers un éventuel avis d’expert pour la chirurgie et leur permettre de bénéficier de ces progrès médicaux récents, notamment en termes de thérapies ciblées (plateforme d’analyse génétique des tumeurs) et d’immunothérapie.

Stéphane Corenc

Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancers des voies biliaires réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 10 avril 2022.

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