
Le 22 juin, la campagne sur le don d’organes incite les familles à aborder ce sujet sans tabous. Un échange vital pour les patients en attente de greffe. Il est en effet urgent d’augmenter le nombre de donneurs, comme l’explique le Pr Antoine Thierry, néphrologue au CHU de Poitiers et vice-président de la Société francophone de Transplantation.
En croissance, mais à un niveau insuffisant face aux besoins. C’est, en substance, l’information principale qui ressort du bilan 2023 sur les activités de prélèvement et de greffe d’organes. Publié en février dernier par l’Agence de la Biomédecine, il indique une hausse de 2,5 % l’an dernier des greffes d’organes, avec 5 634 opérations réalisées. Les greffes de donneurs vivants ont, elles, progressé de 8 % (577), tandis que le nombre de donneurs est également en augmentation (+ 4,9 %), de même que les donneurs effectivement prélevés (+ 3,6 %), soit 1 512 personnes en état de mort encéphalique. Mais, outre que le niveau pré-Covid n’a pas été retrouvé (5 901 greffes en 2019), un autre chiffre préoccupe aujourd’hui les acteurs de la greffe : le taux d’opposition, soit la part des proches de patients décédés en mort encéphalique refusant le prélèvement de leurs organes, s’affiche à 36,1 %, en hausse de trois points par rapport à 2022. « C’est d’autant plus préoccupant que ce taux d’opposition est paradoxal, relève le Pr Antoine Thierry, néphrologue au CHU de Poitiers et vice-président de la Société francophone de Transplantation. Plus de 80 % des citoyens se disent favorables au don de leurs organes. Ce “gap” entre les intentions et la réalité témoigne sans doute des difficultés d’une société en crise, peut-être moins solidaire. Mais il illustre également les efforts que nous devons faire en termes d’information et de communication auprès du public. »
Trop souvent, les familles refusent parce qu’elles ne savent pas réellement quel était le souhait de leur proche décédé.
Pr Antoine Thierry
Mieux renseigner l’opinion sur les bénéfices du don (« un donneur peut sauver 4 à 6 vies »), combattre les idées reçues (« les religions monothéistes ne sont en rien opposées au don d’organes »), rassurer sur le soin porté au corps du donneur, mais également sur le parcours de prise en charge des donneurs vivants… Le 22 juin, l’Agence de la Biomédecine lance sa nouvelle campagne de sensibilisation, à l’occasion de la Journée nationale de réflexion sur le don d’organes et la greffe, et de reconnaissance aux donneurs. « Surtout, le plus important, c’est d’inciter les Français à en parler et à se positionner face à la question du don d’organes auprès de leurs proches, estime le Pr Antoine Thierry. Car, trop souvent, les familles refusent parce qu’elles ne savent pas réellement quel était le souhait de leur proche décédé. »
Outre la sensibilisation au don, le Plan Greffes, lancé en 2022 et qui se déroulera jusqu’en 2026, prévoit plusieurs mesures de soutien à la filière prélèvements et transplantation : professionnalisation des coordinations hospitalières de prélèvement, développement du prélèvement multi source notamment le donneur vivant, financement plus incitatif, référent dans chaque ARS… « Il faut mieux organiser et valoriser l’activité de prélèvement et de greffe, souligne le Pr Thierry. C’est un métier passionnant et de passionnés, mais souvent effectué de nuit, car c’est une activité non programmée et d’urgence. Or attirer et former les jeunes soignants aux métiers de la greffe est également un enjeu important. »
Stéphane Corenc
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Don d’organes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 22 Juin 2024.
Photo : © SFT / DR © Chaman-stock.adobe.com / DR