Une approche ciblée sur les cancers difficiles à traiter

Directeur monde de la R & D Oncologie, Walid Kamoun présente les travaux de Servier relatifs au ciblage de certaines mutations des cellules cancéreuses.

Quelle est la stratégie de Servier dans le domaine de l’oncologie ?

En tant qu’entreprise pharmaceutique de taille intermédiaire, notre objectif est de mener des travaux de recherche focalisés sur des besoins non couverts. Il s’agit de formes de cancers rares difficiles à traiter et pour lesquels les patients disposent de peu d’options thérapeutiques. Deux approches thérapeutiques sont au cœur de notre stratégie. L’immuno-oncologie, d’une part, qui consiste à réactiver le système immunitaire pour lui permettre de lutter contre les tumeurs cancéreuses. Les thérapies ciblées, d’autre part, qui s’attachent à mieux connaître la biologie des tumeurs, afin de bloquer la prolifération anarchique des cellules cancéreuses. Nos recherches s’orientent notamment sur deux mécanismes spécifiques du cancer, la résistance à l’apoptose et le métabolisme des cancers. En termes d’investissements, nos efforts sont considérables : nous consacrons plus de 50 % de nos dépenses de R & D à l’oncologie, soit 6 milliards d’euros sur les cinq dernières années. Sept de nos traitements sont actuellement disponibles, et nous avons un pipeline robuste de 35 projets de R & D en oncologie.

A l’Asco, vous annoncez des résultats prometteurs dans la lutte contre le gliome. Pouvez-vous nous les détailler ?

En effet, l’étude que nous présentons concerne un médicament en phase III, destiné à lutter contre le gliome de grade II. C’est la première étude du genre depuis vingt-trois ans, qui offre des perspectives inédites pour les patients atteints par cette forme de cancer, souvent touchés entre 30 et 40 ans, avec un fort impact sur leur espérance de vie et leur qualité de vie. Le traitement vise à cibler les mutations IDH1 (isocitrate déshydrogénase) et IDH2, présentes chez 80 % de ces patients. Il offre des résultats qui changent le pronostic de la maladie, avec des améliorations statistiquement et cliniquement significatives de la survie sans progression de la maladie et du temps jusqu’à la prochaine intervention.

Servier se positionne-t-il ainsi comme l’un des laboratoires précurseurs dans le ciblage des mutations IDH ?

C’est en effet un axe majeur de notre stratégie de recherche, avec de réels succès applicables pour différents types de cancers. C’est le cas notamment dans la leucémie myéloïde aiguë, avec un traitement autorisé aux Etats-Unis, en Chine et depuis peu en Europe. Ce traitement, qui vise à cibler la mutation IDH1, est également indiqué dans la prise en charge du cholangiocarcinome. Et nous avons bon espoir de pouvoir l’appliquer dans le cadre de la lutte contre le syndrome myélodysplasique.

Antoine Largier


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Cancer réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 3 juin 2023.

Photo © olivierdupontrenoux – Servier / DR – Institut de Recherche et Développement Servier Paris Saclay.