Vers une prise en charge sur-mesure

L’innovation thérapeutique et l’accès aux tests moléculaires ont fortement modifié les pratiques médicales dans le traitement des cancers du poumon. Les stratégies basées sur la médecine de précision prennent le pas, montrant les premières rémissions prolongées dans le cancer du poumon métastatique.

Chimiothérapie post-opératoire, médicaments anti-angiogéniques, traitements ciblés et immunothérapie, depuis près de quinze ans, de nombreux progrès médicaux ont été réalisés dans la lutte contre les cancers du poumon.Et pourtant, ce cancer reste l’un des plus meurtriers, avec chaque année, 40 000 nouveaux cas en France, et près de 30 000 décès. Le cancer du poumon est la première cause de mortalité par cancer chez les hommes, il pourrait prendre également la première place d’ici deux ans chez les femmes, devant le cancer du sein, essentiellement à cause du tabagisme en forte augmentation. « La lutte contre les cancers bronchiques reste difficile car ces cancers sont diagnostiqués souvent tardivement. De plus, les tumeurs portent de nombreuses altérations moléculaires pouvant jouer sur l’efficacité des traitements actuels », souligne le Pr Fabrice Barlesi, ‎Chef du Service d’Oncologie Multidisciplinaire & Innovations Thérapeutiques, Aix Marseille Université, Assistance Publique Hôpitaux de Marseille.

Une nouvelle étape dans le traitement des cancers

Cependant, la multiplication des traitements possibles permet aujourd’hui de choisir des chemins thérapeutiques qui s’adaptent en permanence au patient et à la biologie de la tumeur. Ainsi, depuis quelques années, les patients atteints d’un cancer du poumon non-à-petites-cellules (85% des cancers du poumon) et dont la tumeur est porteuse d’une mutation génétique particulière bénéficient d’un traitement ciblé « anti-EGFR ». Même chose pour ceux dont les cellules tumorales portent un réarrangement du gène ALK ou ROS1. La prescription de ces médicaments est réalisée après un test génétique qui met en évidence ces anomalies.« En 2006, l’Institut National du Cancer, l’INCA, a créé dans toute la France un réseau de plateformes capables de réaliser ces tests génétiques, un modèle d’organisation unique que de nombreux pays tentent de dupliquer », rappelle Fabrice Barlesi.Grâce aux techniques de séquençage d’ADN nouvelle génération, et à la possibilité d’identifier ces anomalies génétiques au niveau de l’ADN circulant dans le sang sans avoir besoin de réaliser des biopsies, la facilité d’accès à ces résultats devrait encore s’améliorer.
Autre grande avancée, les premiers traitements d’immunothérapie ont passé avec succès les essais cliniques. Les immunologistes ont réussi,au début des années 2000, à décortiquer les différentes étapes du fonctionnement et dysfonctionnement du système immunitaire. Les cellules tumorales trompent la vigilance du système immunitaire en bloquant des points de contrôle présents à la surface de certaines cellules du système immunitaire (lymphocytes et cellules dendritiques) ou de certaines cellules tumorales. Les traitements d’immunothérapie agissent pour lever ces freins directement au niveau des cellules du système immunitaire du patient, et des résultats encourageants ont été obtenus dans le cancer du poumon non à petites cellules, avec des effets qui semblent se prolonger, parfois même en cas d’arrêt du traitement. « Certains traitements montrent, pour une partie des patients,au stade métastatique,une longue période d’efficacité. Néanmoins, comme pour les traitements ciblés, l’immunothérapie n’est efficace que sur 15 à 20% des 20 à 25 000 patients par an diagnostiqués chaque année avec un cancer du poumon métastatique, il faut donc continuer l’identification de nouvelles thérapies pour pouvoir proposer à chaque patient un schéma thérapeutique optimal », rappelle Fabrice Barlesi.
L’amélioration de la prise en charge devrait se poursuivre avec le développement de nouvelles molécules d’immunothérapie, leurs combinaisons entre elles et avec les traitements ciblés ou les chimiothérapies… Et la mise au point de médicament ciblant d’autres caractéristiques des cellules tumorales impliquées dans le cycle cellulaire, les voies de prolifération et d’invasivité, le vieillissement cellulaire, etc… Inimaginable il y a encore deux ou trois ans, avec toutes ces nouvelles approches, aujourd’hui, certains patients atteints de cancer du poumon métastatique entrent parfois en rémission prolongée. La multiplication de ces traitements sur-mesure apporte un réel espoir dans la lutte contre les cancers du poumon.

Anne Pezet pour CommEdition.