L’hémophilie, maladie hémorragique génétique, touche 9 200 personnes en France, dont 7 400 atteints d’hémophilie A (déficit en facteur VIII) et 1 800 d’hémophilie B (déficit en facteur IX). Le point avec le Pr Yesim Dargaud, hématologue au CHU de Lyon.
Le déficit total ou partiel en facteur VIII ou IX est transmis par les mères, via le chromosome X, et affecte essentiellement les garçons. Mais les filles peuvent également en être atteintes, le plus souvent sous des formes modérées ou mineures. « La gravité de la maladie dépend du taux de facteur de coagulation circulant dans le sang, explique le Pr Yesim Dargaud, hématologue à Lyon et coordinatrice nationale du Centre de référence de l’hémophilie. La forme sévère concerne les patients qui ont moins de 1 % de facteur, la forme modérée entre 1 et 5 % et la forme mineure de 5 à 40 %. »
Aujourd’hui, on compte près de 2 500 hémophiles sévères en France. L’hémophilie est une maladie rare, entraînant des saignements plus ou moins graves comme des hémarthroses (au niveau des articulations), des hématomes (au niveau des muscles) et plus rarement des hémorragies cérébrales ou viscérales. Grâce aux avancées thérapeutiques, la prise en charge de l’hémophilie s’est fortement améliorée depuis une décennie. « Le principe du traitement consiste en l’injection par voie intraveineuse du facteur manquant, indique le Pr Yesim Dargaud. Ces médicaments peuvent être dérivés de sang humain (facteurs plasmatiques) ou fabriqués par génie génétique (facteur recombinant). » Pour les formes cliniquement sévères, un traitement prophylactique est prescrit, administré de façon régulière afin de réduire le risque de saignements et de protéger les articulations. « Les injections intraveineuses fréquentes constituent un fardeau lourd pour les patients et leurs familles, dégradant leur qualité de vie, précise le Pr Dargaud. Cependant, des améliorations récentes majeures avec l’arrivée des médicaments sous-cutanés et ceux à demi-vie prolongée nécessitant moins d’injections ont amélioré l’efficacité et la qualité de vie des patients. » L’arrivée de la thérapie génique suscite de réels espoirs. « Mais tous les patients n’y seront pas éligibles. Et elle implique un suivi renforcé, ainsi que le respect de mesures hygiéno-diététiques strictes, comme l’arrêt de l’alcool », poursuit-elle.
L’innovation thérapeutique transforme la vie des patients. Mais elle exige également un fort investissement de leur part. « Nous devons progresser avec eux dans la décision partagée, car ils doivent bien comprendre leurs traitements, pour un choix thérapeutique personnalisé, adapté à leur projet de vie et leurs besoins médicaux », souligne le Pr Dargaud. C’est d’autant plus vrai que de nouvelles pistes de progrès se profilent, avec des thérapeutiques en développement qui permettront une meilleure protection contre les saignements. Outre les traitements, les hématologues se mobilisent sur deux autres priorités. « Il faut mieux prendre en charge les femmes atteintes, car leurs symptômes ont été souvent négligés, notamment les règles abondantes. Et nous sommes aussi préoccupés par la prise en charge des patients d’outre-mer, marquée par l’insuffisance de l’offre en soins spécialisés. »
Antoine Largier
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Hématologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 8 décembre 2024.