Nouvelles approches thérapeutiques pour cibler et éliminer les cellules cancéreuses

Directrice médicale d’AbbVie France, Claire Roussel revient sur l’expertise historique du groupe dans certains domaines de la biologie tels que les mécanismes cellulaires de l’apoptose et sur l’accélération de sa recherche en oncologie et en hématologie.

Votre entreprise a développé une connaissance approfondie des mécanismes
de la mort cellulaire programmée, l’apoptose. Pouvez-vous nous expliquer de quoi il s’agit et quel est l’intérêt de ces travaux dans la lutte contre les hémopathies malignes ?

AbbVie est une entreprise biopharmaceutique investie dans plusieurs aires thérapeutiques, dont l’hématologie et l’oncologie. Depuis vingt ans, nos scientifiques ont concentré leurs recherches sur une meilleure compréhension des régulations cellulaires de l’apoptose afin d’en établir une cartographie et une caractérisation précises. Ce processus naturel permet à l’organisme d’éliminer les cellules endommagées. Nous avons identifié des protéines capables de bloquer ce mécanisme, ce qui entraîne la prolifération anarchique de cellules qui peut être à l’origine de certaines leucémies. Nos programmes ont conduit à mettre au point des traitements pour neutraliser ces protéines, permettant de restaurer l’apoptose, c’est-à-dire de reprogrammer la mort des cellules cancéreuses.

Quelles sont vos prochaines étapes dans le traitement des hémopathies malignes ?

Nous poursuivons nos travaux sur la compréhension des voies de signalisation et la modélisation de nouveaux traitements, ce qui permet de démultiplier notre pipeline et d’étendre ses applications à d’autres hémopathies telles que les lymphomes non hodgkiniens ou les myélomes multiples. Nous orientons aussi nos investigations vers les technologies de cellules CAR-T (Chimeric Antigenic Receptor T) ou, plus récemment, les anticorps « bispécifiques ». Plus de 300 essais cliniques sont en cours en hématologie et oncologie, évaluant le potentiel d’une vingtaine de molécules destinées à traiter 20 cancers différents. Nous investissons fortement dans cette recherche et avons ouvert en mars un centre de recherche spécialisé en oncologie à San Francisco, avec plus de 1 000 collaborateurs.

Restauration de l’apoptose, cellules CAR-T, anticorps bispécifiques, ces nouvelles thérapies sont au cœur de notre Recherche et Développement.

Quelle est la part des partenariats dans votre modèle de développement ?

C’est un axe central de notre stratégie. La R & D en oncologie se conçoit sur un mode collaboratif. Nous avons près de 100 partenariats actifs. J’en citerai trois, très importants au regard de nos ambitions en hématologie. En partenariat avec Genmab, nous développons conjointement plusieurs anticorps bispécifiques capables de stimuler les lymphocytes T vers un antigène d’intérêt à la surface des cellules tumorales. Ces anticorps sont modifiés dans leur structure pour être capables de se lier spécifiquement à des antigènes de deux cellules différentes. Cette double clé permet d’agir simultanément sur deux voies d’activation conduisant à la destruction de la tumeur. Avec Scripps Research, notre objectif est d’explorer le potentiel des cellules CAR-T dites switchable, qui ont des perspectives très prometteuses.

Enfin, AbbVie travaille avec la société Caribou Biosciences sur un autre modèle de cellules CAR-T dites « allogéniques » en utilisant la technique CRISPR-Cas12*. Les cellules CAR-T sont des lymphocytes Tissus d’un patient qui sont prélevés et génétiquement modifiés pour être capables de reconnaître et de détruire les cellules tumorales de ce même patient ; un processus qui nécessite plusieurs semaines de production. La nouvelle génération de thérapie cellulaire « allogénique » permettra de rendre disponibles ces thérapies très rapidement, un avantage déterminant dans le contexte de pathologies graves à évolution rapide.

La France est-elle engagée dans les études cliniques que vous menez dans le champ de l’hématologie ?

Il s’agit de l’une des principales missions de la filiale : valoriser l’excellence mondialement reconnuedes chercheurs et des cliniciens français et co-construire avec eux des essais de nature à favoriser les progrès en hématologie. En cinq ans, nous avons multiplié par cinq le nombre d’essais en France en oncologie. Une grande majorité de ces essais sont des études cliniques en phase précoce avec l’objectif de définir le profil de tolérance, mais également de détecter les premiers signes d’efficacité de ces traitements du futur. Le haut niveau d’expertise de l’écosystème français en hématologie est un atout précieux pour contribuer à valider l’intérêt de ces traitements dans la lutte contre les hémopathies malignes.

Jean-Christophe Labaume

* Nouvelle biotechnologie pour modifier spécifiquement un gène cible.


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Hématologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 11 décembre 2022.

Photo © Abbvie / DR

Information communiquée en collaboration avec AbbVie FR-ONC-220137 – 12/2022