Quatre-vingts pour cent des maladies rares sont d’origine génétique(1). l’espoir de les vaincre se fonde notamment sur les thérapies géniques (TG) dont l’arrivée devient concrète. Entretien avec Valérie Rizzi-Puéchal, Directrice de la Division Maladies rares Pfizer France.
A quelle étape en est le développement des thérapies géniques ?
Après plusieurs décennies de recherche, nous sommes désormais dans la phase « pratique ». Pfizer a trois thérapies géniques en phase III de développement clinique, dans les hémophilies A et B et la myopathie de Duchenne. Plusieurs centres hospitaliers français participent à ces essais. Les thérapies géniques permettent de traiter la cause d’une maladie, et non plus ses conséquences ou ses symptômes.
Comment les thérapies géniques agissent-elles ?
Le gène devient une cible thérapeutique. Pour cela, différents vecteurs viraux ou non viraux sont utilisés. Pfizer travaille sur des thérapies géniques in vivo, qui permettent d’importer la copie d’un gène fonctionnel directement dans l’organisme, pour qu’elle s’y exprime et aboutisse à la production de la protéine qui fait défaut. Pfizer a fait le choix d’utiliser des vecteurs viraux AAV (adeno-associated virus). Ils permettent de cibler spécifiquement certains tissus et de limiter la réponse immunitaire trop forte(2). Chez les patients hémophiles, les TG ciblent le foie où sont produits les facteurs de coagulation VIII (hémophilie A) et IX (hémophilie B). Dans la myopathie de Duchenne, le challenge est de cibler l’ensemble des muscles.
Quels sont les nouveaux défis à relever ?
Les thérapies géniques sont des traitements personnalisés de haute précision. Avant l’administration de la TG utilisant des vecteurs viraux, plusieurs examens sont à réaliser, comme un test biologique pour rechercher la présence d’anticorps chez le patient. Cela permet d’identifier les patients les plus à même de répondre au traitement. Le suivi du patient est également un défi. Tout est à inventer et il faut se préparer dès maintenant : le rôle des différents acteurs dans le suivi du patient, la collecte et l’analyse des données… Ces informations seront essentielles pour évaluer la sécurité et l’efficacité des TG à long terme, et donc leur financement. De leur côté, les Agences Régionales de Santé (ARS) doivent se mobiliser pour accréditer les centres qui pourront administrer les thérapies géniques, afin de permettre un accès équitable sur l’ensemble du territoire. Beaucoup de questions restent aujourd’hui encore en suspens.
Au-delà des traitements, comment l’innovation peut-elle améliorer la prise en charge des maladies rares ?
La première problématique rencontrée dans les maladies rares est l’errance diagnostique. L’innovation, notamment digitale, peut contribuer à la réduire. C’est l’objectif que nous nous sommes fixé en soutenant la plateforme digitale RDK (Rare Disease Knowledge TM). Cette plateforme s’appuie sur la base de données open data d’Orphanet qui recense plus 7 000 maladies rares. A partir d’une recherche de symptômes, elle oriente vers un premier niveau de potentielles maladies rares et les centres experts habilités à prendre en charge ces patients.
Comment Pfizer prépare-t-il l’avenir de la prise en charge des maladies rares ?
On travaille désormais en plateformes, telles que la thérapie génique, l’ARN messager, le « gene editing ». Ce sera grâce aux mécanismes d’action étudiés et choisis que nous pourrons espérer un jour guérir les maladies rares. Dernièrement, nous avons intégré la société Global Blood Therapeutics (GBT), spécialisée dans la drépanocytose, première maladie génétique héréditaire en France. Environ 30 000 personnes en sont atteintes et près de 600 bébés naissent chaque année sur le territoire français avec cette maladie(3). La drépanocytose déforme et rigidifie les globules rouges qui éclatent, provoquant une anémie sévère et une inflammation des vaisseaux qui altèrent l’oxygénation des organes(4). Les symptômes sont extrêmement douloureux à vivre et souvent imprévisibles(4). Sans prise en charge médicale adaptée, 80% des enfants touchés par la drépanocytose n’atteignent pas l’âge de 5 ans (3). La mise en place du dépistage généralisé à tous les nouveau-nés(5) est un premier pas important. L’urgence est aussi la mise en place d’une stratégie nationale pour améliorer la prise en charge des patients et la formation des soignants.
Gézabelle Hauray
(1) PNMR 2018-2022
(2) Kumar SRP, et al. Mol Ther Methods Clin Dev. 2016
(3) SOS Globi
(4) Inserm
(5) HAS – drépanocytose. Avis du 10/11/2022
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Maladies rares réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 1er mars 2023.
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