Itinéraire d’une prise en charge évolutive pour les MICI

Le regard de la médecine sur les maladies inflammatoires chroniques intestinales (MICI) et les malades a changé, repoussant les limites de leur prise en charge. Entretien avec le Pr Xavier Treton, hépato-gastro-entérologue à l’Institut des MICI, Groupe hospitalier Ambroise Paré-Hartmann, à Neuilly-sur-Seine.

La prise en charge des MICI a-t-elle évolué ces dernières années ?

La prise en charge et les objectifs thérapeutiques dans les MICI ont évolué pour deux raisons. La première repose sur une meilleure connaissance des MICI et de ce que l’on peut faire pour en limiter les complications à long terme. La prise en charge n’est plus limitée au simple contrôle des symptômes, majoritairement douleurs abdominales, diarrhée et besoins impérieux : on vise une disparition de l’inflammation et une cicatrisation endoscopique de la muqueuse du patient. Des études ont prouvé que, quand on atteint ces objectifs, on diminue les complications à long terme, à savoir : risque de cancer digestif, utilisation des corticoïdes (associés à des effets secondaires) et recours à la chirurgie. La deuxième raison est que l’arsenal thérapeutique s’est fortement diversifié ces dernières années, se dotant de nouvelles molécules efficaces.

Autre évolution de la prise en charge, une réflexion en deux temps, qui consiste à trouver la bonne molécule pour chaque patient, avec laquelle on va espérer une cicatrisation muqueuse et réduire au minimum les symptômes. Ce dernier point pose souvent problème, car de 30 à 40 % des patients souffrent de symptômes résiduels, comme les douleurs, les troubles du transit et la fatigue chronique, alors même que l’inflammation a disparu. Pour espérer retrouver une bonne qualité de vie, il faut mettre en œuvre des mesures d’accompagnement qui vont permettre une réinsertion sociale, comme lutter contre la fatigue via une activité physique adaptée, ou gérer son stress avec un accompagnement psychologique. L’enjeu est désormais d’en faire bénéficier un maximum de patients.

Disposer un jour de biomarqueurs prédictifs de l’efficacité des traitements serait une avancée très importante. La route est encore longue, mais l’enjeu est de taille et les progrès sont rapides.

Où en est-on sur le front des traitements ?

Aujourd’hui, on voit les patients et la maladie différemment et on se donne des objectifs de cicatrisation. Mais, il subsiste une limite commune à tous les traitements, y compris pour les nouvelles molécules : les 20 à 30 % de patients non répondeurs. Si on veut espérer avoir un bon résultat chez une proportion plus importante de patients, il faut disposer de plus de molécules efficaces. Il existe actuellement cinq à six grandes classes de molécules, ce qui représente un espoir d’obtenir une cicatrisation de la muqueuse et un contrôle plus durable de la maladie. Par ailleurs, au cours de leur vie, beaucoup des patients souffrant de MICI vont perdre l’efficacité du traitement, et il faut donc pouvoir disposer de nouvelles molécules pour pouvoir maintenir l’état de quiescence de la maladie.

En résumé, étoffer l’arsenal thérapeutique permet de viser la cicatrisation chez plus de patients, de soulager ceux qui perdent la réponse à leur traitement, mais aussi de prendre en compte l’état de santé général du patient, son âge et ses comorbidités pour choisir le traitement dont le profil de sécurité et d’efficacité lui correspond le mieux.

Comment se présente le futur de la prise en charge des MICI?

La recherche et la clinique s’orientent de plus en plus vers des réflexions d’associations de molécules, pour contrôler rapidement la maladie dans sa phase précoce. Il faut continuer d’enrichir l’arsenal thérapeutique. Il y a notamment de nouvelles molécules à l’étude qui modulent la réactivité du système immunitaire, d’autres qui renforcent la barrière intestinale et certaines pourraient lutter contre la fibrose. Nous travaillons sur l’optimisation de cycles de traitements alternant des molécules de modes d’action ou d’administration différents. Un grand intérêt est également porté à des interventions environnementales, au premier plan desquelles des actions sur l’alimentation avec, à l’avenir, l’espoir de personnaliser des régimes pour modifier le microbiote du patient. Des recherches sont en cours pour disposer d’outils d’analyse du microbiote via l’intelligence artificielle afin d’espérer, dans un futur proche, proposer des régimes personnalisés et peut être mieux contrôler la maladie et espacer les rechutes.

Autre question importante : les besoins impérieux. On sait que ce symptôme très fréquent gâche littéralement la vie quotidienne des malades, et des études seront menées pour savoir si une prise en charge plus rapide et meilleure peut conduire à une réduction de ces impériosités qui existent parfois à l’état de séquelles, alors que l’intestin du patient ne présente plus aucune inflammation. Enfin, disposer un jour de biomarqueurs prédictifs de l’efficacité des traitements serait une avancée très importante. La route est encore longue, mais l’enjeu est de taille et les progrès sont rapides.

Sandrine Guinot-Mosetti


Mention legale : PP-LG-FR-0061 – Février 2024 – Interview à l’initiative de Lilly France et en collaboration avec le Pr Xavier Treton.

Article extrait du dossier Grand Angle spécial MICI Hépato-gastro-entérologie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 15 mars 2024.

Photo : ©Lilly / DR