La vaccination antipneumococcique évolue

Première cause de méningites bactériennes chez l’enfant, le pneumocoque est particulièrement redoutable avant l’âge d’un an. La vaccination permet de protéger les nourrissons de ces infections invasives. Un nouveau vaccin élargit encore le spectre de protection chez les tout-petits. Entretien avec le Pr Naim Ouldali, pédiatre à l’hôpital Robert-Debré, AP-HP.

Les vaccins pneumococciques conjugués (VPC) ont permis d’éviter de nombreux cas d’infections. Quel est l’héritage de cette vaccination obligatoire du nourrisson ?

Au début des années 2000, avant l’introduction de la vaccination antipneumococcique chez les nourrissons, le pneumocoque était responsable, chaque année, de plus de 130  000 pneumonies et d’environ 700 méningites en France. Depuis, la vaccination, les recommandations et la large couverture vaccinale ont permis d’éviter de nombreux cas d’infections et de diminuer sans conteste l’incidence des méningites, des bactériémies et des pneumonies communautaires.

Aujourd’hui, quel est le poids des infections à pneumocoques ?

Malgré tous ces progrès, le fardeau des infections invasives à pneumocoques persiste et trop de cas sont encore à déplorer chez les enfants. Selon les dernières données de Santé publique France, le pneumocoque est la première cause de méningites bactériennes (environ 170 cas par an chez l’enfant). C’est aussi la première cause de mortalité liée aux infections respiratoires chez les enfants de moins de 5 ans dans le monde. En France, le pneumocoque est également responsable chaque année d’environ 100 000 cas de pneumonies et de 200 000 cas d’otites, entraînant une forte prescription d’antibiotiques.

A quel âge les enfants sont-ils le plus vulnérables aux infections à pneumocoques ?

Le pneumocoque est une bactérie dont la niche écologique est le rhinopharynx du petit enfant. Cette colonisation est inévitable : tous les enfants sont touchés à un moment ou à un autre. Le portage est asymptomatique jusqu’au moment où une pathologie se déclare… L’âge est le premier facteur de risque d’infections. Les infections invasives à pneumocoques touchent les sujets les plus fragiles, aux âges extrêmes de la vie c’est-à-dire avant 1 an et après 65 ans. Le nourrisson dans sa première année de vie a ainsi un risque d’infections multiplié par 3,6 par rapport aux enfants âgés de 1 à 4 ans et le pic de méningites se situe entre 4 et 11 mois.

Pour quelles raisons une évolution de la vaccination est-elle nécessaire ?

Le pneumocoque est un pathogène qui, dans l’histoire de la vaccinologie, a la plus forte capacité d’adaptation. Il existe en effet de nombreuses souches ou sérotypes qui évoluent en permanence. Une centaine de sérotypes environ ont été identifiés. Au début de la vaccination, sept sérotypes impliqués dans les infections invasives étaient ciblés dans le vaccin pneumococcique (VPC 7). Puis, il y a eu plusieurs sérotypes émergents ce qui a entraîné le développement et la mise à disposition en 2010 d’un vaccin à 13 valences (VPC 13). Depuis 2015, l’incidence des infections invasives chez les moins de 2 ans a augmenté de 64 %, malgré une vaccination obligatoire. Ce phénomène est majoritairement dû à l’émergence de nouveaux sérotypes non vaccinaux. Face à cette résurgence, il existe à nouveau, un besoin d’adaptation de la stratégie vaccinale, notamment avec l’élargissement des sérotypes (15 sérotypes) couverts par la vaccination afin de protéger les nourrissons de moins de 1 an. Ainsi, la Haute Autorité de Santé (HAS) a recommandé l’intégration d’un nouveau vaccin dans la stratégie vaccinale de l’enfant, le VPC 15 qui protège contre 15 sérotypes en alternative au vaccin déjà disponible VPC 13. Ce nouveau vaccin figure désormais dans le calendrier des vaccinations 2024 publié le 26 avril dernier.

Christine Fallet


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Pédiatrie réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 16 mai 2024.

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