Cancer du sein – Signatures génomiques, l’exception française, délétère pour les patientes

Malgré leur intérêt prouvé d’aide à la décision d’administrer une chimiothérapie adjuvante chez certaines femmes atteintes de cancer du sein, les signatures génomiques restent non remboursées en France. Il en résulte une inégalité d’accès pour les patientes, contre laquelle s’élève la Pr Frédérique Penault-Llorca, Directrice du Centre de lutte contre le cancer de Clermont-Ferrand.

Quelle est l’utilité des signatures génomiques dans le cancer du sein ?

Les premières signatures génomiques ont été disponibles dès le début des années 2000 et, depuis, on dispose de nombreuses études cliniques randomisées montrant leur intérêt. Reconnues comme des outils complémentaires d’aide à la décision, elles permettent d’évaluer le caractère utile ou non de la prescription d’une chimiothérapie adjuvante chez des patientes atteintes de cancer du sein au stade précoce, sensibles à l’hormonothérapie (RH +) de statut HER2 négatif (HER2 –), afin de réduire le risque de récidive. Classiquement, les critères clinico-pathologiques guident la décision médicale et identifient les cancers à faible risque de récidive pour lesquels la chimiothérapie adjuvante n’est pas utile et ceux à haut risque de récidive pour lesquels elle est recommandée. Restent les cancers à risque intermédiaire pour lesquels il existe une incertitude décisionnelle et pour lesquels les signatures génomiques peuvent être utilisées. L’objectif étant de recourir à la chimiothérapie uniquement lorsque cela est nécessaire, compte tenu de ses effets secondaires. Chaque décision, partagée avec la femme, est validée lors d’une réunion de concertation pluridisciplinaire.

La Haute Autorité de Santé (HAS) a récemment réévalué les indications des signatures génomiques. Quelles sont les femmes désormais éligibles à ces tests ?

De nouvelles données ont remis en question l’intérêt de recourir aux signatures génomiques pour certaines patientes. Chez des patientes jeunes à risque intermédiaire, qui ont en général des tumeurs très hormono-sensibles et chez lesquelles la prescription de chimiothérapie adjuvante n’est pas toujours justifiée, la HAS a fait évoluer ces recommandations. Ainsi, chez les patientes en préménopause (ou âgées de 50 ans et moins) et sans envahissement ganglionnaire, l’utilisation des signatures génomiques est désormais restreinte à des patientes aux caractéristiques bien définies, conformément aux données obtenues lors d’études menées avec Oncotype DX, qui est la seule signature à devoir être utilisée dans ces cas.

Et chez les femmes âgées, qu’en est-il ?

Selon la HAS, « il n’y a pas de données spécifiques en faveur de l’utilisation des signatures génomiques chez les patientes de plus de 70 ans, pour lesquelles la prescription d’une chimiothérapie adjuvante reste optionnelle, au cas par cas, et avec un bénéfice marginal ou incertain ». Les personnes âgées sont donc exclues ! Cela est choquant. En pratique clinique, il n’est pas exceptionnel de prescrire une chimiothérapie chez des femmes âgées. Il leur reste encore dix-quinze ans à vivre, l’espérance de vie chez les femmes étant de 86 ans. Cela pose un problème éthique  : on ne devrait pas tenir compte de l’âge. D’autant que le dépistage du cancer du sein va jusqu’à l’âge de 74 ans… Ce n’est pas logique.

Quelles sont les conséquences du non-remboursement des tests génomiques par l’Assurance-Maladie ?

Le non-remboursement par l’Assurance-Maladie des tests en France pose vraiment problème. Les tests génomiques sont pris en charge dans pratiquement tous les autres pays européens. La Société française de médecine prédictive et personnalisée (SFMPP) ne comprend pas la position de la HAS, alors que de nombreuses études cliniques randomisées, publiées dans des revues internationales ont été faites, démontrant leur utilité et que toutes les recommandations cliniques internationales (Asco, Esmo…) vont dans le même sens. Le remboursement partiel (50 %) des signatures génomiques via le Référentiel des actes innovants hors nomenclature (RIHN) entraîne des inégalités d’accès aux soins en France, certains établissements pouvant les prendre en charge et d’autres pas.

Propos recueillis par Christine Fallet


Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé des femmes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 25 janvier 2024.

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