Les bénéfices du test génomique Oncotype DX® ont été prouvés dans différentes études cliniques. Le Pr Rouzier, Directeur scientifique et Directeur du département Chirurgie du centre de lutte contre le cancer François-Baclesse à Caen, en a évalué l’impact médico-économique pour la première fois en France. Entretien.
Qu’est-ce qu’Oncotype DX® ?
Il s’agit d’un test génomique qui détermine un score de risque de rechute après une chirurgie, en prenant en compte différents gènes exprimés par la tumeur. Il permet d’adapter le traitement d’un cancer lorsque les facteurs pronostiques (taille de la tumeur, envahissement ganglionnaire, etc.) ne sont pas suffisants pour déterminer la stratégie thérapeutique à adopter (chimiothérapie ou uniquement hormonothérapie). Cette zone grise concerne environ un tiers des patientes. Oncotype DX® est le test génomique qui a accumulé le plus haut niveau de preuves. Il a notamment fait l’objet de deux grandes études prospectives sur plus de 15 000 patientes. L’étude TAILORx et l’étude RxPONDER ont été menées chez des patientes dont la tumeur présentait des récepteurs hormonaux, sans surexpression de HER2. Cette étude a montré que la chimiothérapie peut être évitée chez la majorité des patientes ménopausées ayant une atteinte de 1 à 3 ganglions, sur la base des résultats d’un score compris entre 0 et 25. Au contraire, pour ce même score et la même atteinte ganglionnaire, les patientes pré-ménopausées tirent un bénéfice de la chimiothérapie, qui réduit le risque de récidive à cinq ans. Fort de ces résultats, qui ont fait considérablement évoluer la pratique, Oncotype DX a été intégré dans les dernières recommandations européennes et internationales avec le plus haut niveau de preuves et de recommandations. Cette innovation a un coût qu’il faut évaluer. C’est ce que nous avons fait à partir de données françaises sur l’année qui suit la chimiothérapie et à plus long terme.
Quels sont les enseignements de cette étude pharmaco-économique et comment a-t-elle été réalisée sur le plan médico-économique ?
Ce travail a estimé les coûts à court terme (test, chimiothérapie) et à long terme (arrêts de travail, transports, récidives). L’étude montre que l’utilisation de tests génomiques permet de faire des économies au système de santé, sur deux plans : le coût des soins dont la chimiothérapie, le temps infirmier, etc., et le coût social induit par les effets secondaires de la chimiothérapie et l’altération significative de la fonction cognitive des patientes qui peut persister pendant trois ans. Globalement, avec ce modèle, l’utilisation du test génomique pour prendre la décision d’une chimiothérapie ou non dans la prise en charge des patientes atteintes d’un cancer du sein précoce permet de diminuer la chimiothérapie dans plus de 50 % des cas et engendre une économie pour le système de santé de plus de 3 000 euros par patiente.
En pratique, quels sont les autres bénéfices de ces tests ?
Les tests nous permettent de quantifier un risque de récidive. Ce chiffre est très éclairant et donne aux praticiens l’occasion d’échanger avec leurs patientes sur le meilleur traitement à suivre, une chimiothérapie adjuvante ou pas. En cela, ces tests sont des outils d’information utiles à la démocratie sanitaire.
Comment ces nouvelles données vont-elles être utilisées ?
Cette première étude nationale est un outil pertinent pour les cliniciens ainsi que pour les autorités de santé, qui réfléchissent à faire passer ces tests dans les process de remboursements classiques. Depuis six ans, le coût des tests génomiques est supporté par l’enveloppe RIHN (référentiel des actes innovants hors nomenclature) qui est limitée, ce qui est source d’inégalités sur le territoire. Les petits centres n’ont pas les budgets pour ces tests. Les taux de recours à la chimiothérapie ne sont d’ailleurs pas les mêmes sur l’ensemble du territoire. Le passage à la nomenclature permettrait de faire passer ces tests en soins courants et de ce fait de démocratiser leur utilisation. Les centres se les sont appropriés grâce au RIHN et sont prêts à les utiliser en pratique courante.
Gézabelle Hauray
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé des femmes réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 26 janvier 2023.
Photo © Centre François-baclesse / DR