Bien que très innovante en matière de recherche thérapeutique et technologique, la cardiologie française souffre d’un manque de soutien de la part des autorités sanitaires. Avec, à la clé, de graves conséquences pour les patients. Stents, défibrillateurs, stimulateurs cardiaques, valves percutanées, greffes cardiaques, cœur artificiel… en France, la cardiologie reste l’une des spécialités médicales les plus innovantes.
La cardiologie est à la source de premières mondiales qui ont changé les modes de prise en charge de millions de patients à travers le monde. « Le premier stent coronaire a été implanté en France, rappelle le Pr Martine Gilard, présidente de la Société française de cardiologie (SFC). Tandis que le Tavi, inventé à Rouen en 2002, a déjà été posé sur plus de 500 000 patients. L’excellence des cardiologues français est reconnue internationalement, comme en témoignent leurs nombreuses participations aux plus grands congrès internationaux et revues prestigieuses. Et ils ont largement contribué au développement de nouvelles approches disciplinaires, comme la rythmologie ou l’angioplastie.»
Grâce aux innovations technologiques diagnostiques et thérapeutiques, la cardiologie dite «interventionnelle», en particulier, offre des alternatives de plus en plus performantes aux gestes chirurgicaux. Des techniques moins invasives pour les patients, limitant les risques liés aux opérations lourdes et offrant un confort et une espérance de vie souvent meilleurs.
En dépit de notre contribution majeure à la santé de la population, la recherche cardio-vasculaire est insuffisamment soutenue par les pouvoirs publics…
Pr Martine Girard
Même si elle reste très importante, la mortalité cardiovasculaire a reculé, passant en vingt ans derrière celle par cancer. Mais, aujourd’hui, les cardiologues lancent un cri d’alarme : «En dépit de notre contribution majeure à la santé de la population, la recherche cardio-vasculaire est insuffisamment soutenue par les pouvoirs publics, s’inquiète le Pr Gilard. Il n’y a pas de plan national, comme pour le cancer ou les maladies neuro-dégénératives, ni de grande fondation, comme dans d’autres pays. Et les fonds dédiés à la recherche médicale diminuent.»
Autre motif de préoccupation, la démographie des cardiologues menace, à terme, l’accès aux soins dans de nombreuses régions. « Dans certains départements, comme le Maine-et-Loire, les patients peuvent attendre de douze à dix-huit mois avant d’obtenir une consultation en ville. Or, il s’agit souvent de prises en charge vitales pour leur santé. » On compte actuellement 3 500 cardiologues en exercice libéral, contre 6 000 il y a une vingtaine d’années. Et la moyenne d’âge – 59,5 ans – annonce des départs en retraite massifs dans un proche avenir. « Depuis trois ans, il n’y a que 170 internes admis en 3e cycle, contre 220 auparavant. »
La situation est donc critique, et la Société française de cardiologie appelle à un sursaut de la part des autorités. « Il faut réinvestir le champ de la prévention, mieux informer les patients sur les facteurs de risque à travers des campagnes ciblées, développer l’éducation thérapeutique, bâtir des filières de soins en favorisant l’interprofessionnalité et financer de nouveaux modes d’organisation des soins en cardiologie. », énumère le Pr Gilard. A défaut, il est probable que la morbi-mortalité cardiovasculaire risque de repartir à la hausse, avec le vieillissement démographique et l’incidence croissante de pathologies comme l’insuffisance cardiaque, terme ultime de toute maladie cardiaque, que l’on peut prévenir.
Pierre Mongis
Photo: © SFC / DR
Article extrait du dossier Grand Angle – Spécial Cardiologie, réalisé par CommEdition, paru dans Le Monde daté du 28 septembre 2019