Au premier rang des intentions politiques du nouveau gouvernement, la santé mentale requiert une mobilisation sans faille des décideurs publics avec, à la clé, de nouveaux moyens pour mieux prendre en charge les patients et soutenir les progrès de la recherche.
Ce sera donc la Grande Cause nationale 2025, avec l’espoir de changer le regard de la société sur les maladies psychiatriques et les personnes qui en sont atteintes, de disposer de nouveaux moyens pour un secteur du soin en profonde déshérence et de financer davantage de travaux de recherche. C’est également une priorité incontestable sur le plan de la santé publique. La France n’est bien sûr pas une exception – l’OMS tire la sonnette d’alarme depuis des années – mais la prévalence des troubles psychiatriques, en augmentation avec la pandémie de Covid-19, déstabilise en profondeur la société. En trois ans, la prévalence des dépressions a augmenté de 30 %, les troubles anxieux de 20 %, avec un impact majeur sur les jeunes, les femmes, les soignants. Une personne sur cinq souffre d’un trouble psychique, soit plus de 13 millions de personnes en France. La jeunesse est particulièrement touchée par la souffrance psychique, avec un doublement du nombre de jeunes atteints de dépression depuis le Covid-19. Treize pour cent des enfants en classe élémentaire présentent des troubles de santé mentale, et l’on constate une explosion des passages aux urgences pour gestes suicidaires, notamment chez les jeunes filles. Neuf mille personnes se suicident chaque année en France et 685 tentent de le faire, selon les données officielles de l’Union nationale pour la Prévention du suicide (UNPS).
Les maladies psychiques représentent depuis de nombreuses années le premier poste de dépenses de l’Assurance-Maladie, devant le cancer et les maladies cardiovasculaires. Elles retentissent bien au-delà du monde sanitaire. Et le coût pour la société est évalué à 163 milliards d’euros par an. Dans le monde professionnel, les troubles psychiques sont devenus la première cause d’arrêt-maladie de longue durée. Malgré leur forte prévalence, ces troubles restent mal connus, stigmatisés et souvent honteux. Face à l’importance de cet enjeu, les pouvoirs publics se sont mobilisés depuis cinq ans de façon importante avec, notamment, la création d’une délégation ministérielle spécifique et d’une feuille de route ambitieuse dès 2018, les Assises de la psychiatrie et de la santé mentale en 2021, le financement d’importants projets de recherche et le lancement en 2023 d’un Grand Défi numérique en santé mentale.
Il est donc urgent d’agir.
Dans le champ du soin, le système de santé apparaît débordé, inadapté et peu efficient. Débordé, parce qu’une bonne partie de la souffrance mentale envahit les cabinets de médecine générale, où les praticiens, de moins en moins nombreux, n’ont pas le temps disponible pour assurer des consultations longues. Inadapté, par l’orientation difficile des patients vers une psychiatrie de ville elle-même victime du vieillissement démographique, mal organisée et insuffisamment tarifée. Que dire des services hospitaliers, où 48 % des postes de praticiens sont aujourd’hui non pourvus ? Peu efficient, car ces maladies sont, pour une partie, synonymes de handicap durable, à défaut de solutions de santé capables de guérir les patients. La communauté des soignants attend donc, au-delà des campagnes de communication, de nouveaux moyens pour mieux travailler.
Antoine Combier
Article extrait du dossier Grand Angle spécial Santé Mentale réalisé par CommEdition, parution dans Le Monde daté du 11 octobre 2024.