Traditionnellement, dans l’univers de la santé, c’est l’innovation dite “thérapeutique ” qui a porté le progrès médical depuis plusieurs décennies.
Après la phase des « blockbusters », ces médicaments à large spectre thérapeutique, les industriels sont aujourd’hui focalisés sur des produits complexes, développés dans des indications restreintes et dont l’efficacité peut se révéler déterminante pour de petits groupes de malades. Ce nouveau modèle de soins bouleverse les modalités de financement de l’innovation. Les entreprises revendiquent en effet des niveaux de prix importants, car elles doivent amortir les coûts très élevés de R & D , sans compensation sur les volumes.
Les autorités, elles, sont confrontées à la restriction des budgets consacrés à la dépense de médicaments. Et, au vu des prix concédés, elles attendent légitimement des preuves d’efficacité des nouveaux produits une fois qu’ils sont mis sur le marché.
Ce contexte général a été bousculé à l’automne dernier par l’arrivée d’un traitement très efficace contre l’hépatite C.
Face au nombre important de malades, les autorités et le laboratoire se sont finalement entendues sur un accord classique de type prix/volume. Véritable choc budgétaire pour l’assurance-maladie, cet événement montre les limites du système actuel. Pourra-t-on à l’avenir continuer à financer l’innovation majeure à large spectre de diffusion ? Les entreprises s’alarment et s’inquiètent, mais rien n’indique, à l’examen de leur « pipe-line », qu’un tel cas de figure va se reproduire d’ici à deux ou trois ans. Pour autant, il faut s’interroger sur le modèle actuel de fixation des prix.Des approches plus innovantes doivent se développer, où les laboratoires s’engageront sur la performance deleurs produits, sous peine de subir des baisses de prix. Au-delà, les pouvoirs publics devront également effectuer des arbitrages en faveur d’autres secteurs de la santé, où les innovationssont fortes et portent en germe une organisation des soins plus efficiente : c’est le cas pour le dispositif médical et la santé digitale. Aujourd’hui, la clef n’est plus seulement de concevoir des médicaments qui guérissent, mais d’imaginer des services de santé globaux et également de s’assurer que ces services sont bien utilisés par les professionnels de santé et les patients.
Gérard de Pouvourville, économiste de la santé, titulaire de la chaire Essec-santé