E-santé : la question de l’efficience

L’essor de la e-santé offre des perspectives infinies pour le système de santé, à condition que son impact puisse être précisément évalué.

Pèse-personnes, tensiomètres et thermomètres électroniques, lecteurs de glycémie sans contact, appareils respiratoires connectés… le champ de la e-santé ne cesse de s’étendre, au gré du progrès spectaculaire des technologies digitales. Le cabinet de conseil Precepta évalue le potentiel du marché entre 3,5 et 4 milliards d’euros en 2020, contre 2,7 milliards d’euros actuellement. Définie comme « l’application des technologies de l’information et de la communication (TIC) à l’ensemble des activités en rapport avec la santé », la e-santé se décompose en trois segments inégaux: les systèmes d’information de santé (2,36 milliards d’euros en 2014), la télésanté (200 millions d’euros) et la télémédecine (146 millions d’euros). L’ensemble des acteurs en sont convaincus : l’avènement de la révolution informatique et numérique est appelé à modifier durablement le fonctionnement du système de santé.

Dans le domaine de la télésanté, c’est aujourd’hui le concept de santé connectée qui apparait comme l’un des plus dynamiques. Appelée aussi « M Santé » (pour Santé mobile), elle regroupe à la fois des objets connectés et des applications santé utilisables sur smart-phones et tablettes. Mesure de l’activité physique, « coaching » nutrition, prise de tension en continu, suivi de la glycémie, mesure de l’observance, surveillance à domicile… chaque mois, de nouveaux usages apparaissent.
Au cœur de l’innovation, la e-santé pose néanmoins plusieurs questions sur son impact réel dans l’amélioration du système de santé. D’abord, son efficience dépend de la valeur d’usage pour les patients et les professionnels. La consommation de ces dispositifs relève aujourd’hui essentiellement du secteur du « bien-être », ciblée sur des personnes plutôt en bonne santé. Or, c’est la population des 15 millions de patients chroniques qui doit être visée. L’intégration dans les parcours de santé apparait donc stratégique, mais se heurte à des problématiques non résolues : valorisation financière et retour sur investissement, propriété et confidentialité des données, leviers d’appropriation de ces outils par les professionnels de santé…

Second enjeu, le modèle économique de la e-santé reste incertain. Faut-il « laisser faire » le marché et la libre concurrence, au risque d’un accès inégalitaire en fonction des revenus ? Ou la e-santé peut-elle être prise en charge par les assureurs publics et privés, au titre de ses bénéfices en termes de prévention et de suivi des patients ? Enfin, troisième question qui découle de la seconde : le niveau d’assurabilité des patients peut-il être conditionné à l’usage de ces dispositifs ? Et la perspective de « bonus-malus » en fonction du comportement de chacun est-il compatible avec les valeurs profondes de notre société ?

François Vernonnet